M.|de}} Poissy. M. de Lozeraie fit signe à son fils de les laisser seuls.
« — Vous arrivez à propos, dit M. de Lozeraie à M. de Poissy, je comptais passer chez vous en allant à Saint-Cloud.
— Je suis sorti depuis ce matin, car les affaires ne se font pas d’elles-mêmes.
— Eh bien ! où en sommes-nous ?
— L’expédition d’Alger se fera, elle est tout à fait décidée.
— Et que vous ont dit nos gens au ministère de la guerre ?
— Je n’ose vous l’apprendre.
— Comment ! tant de sacrifices seraient-ils perdus ?
— Ils ne le seront pas si vous en augmentez le chiffre.
— Encore ! s’écria le comte avec impatience. Je croyais que quatre cent mille francs déjà donnés suffiraient.
— Il y a tant de monde à satisfaire.
— Mais enfin, si je me décidais à un nouveau sacrifice, serais-je sûr cette fois que je pourrais disposer de cette fourniture ?
— Cela n’est pas douteux.
— Et que demande-t-on ?
— C’est que c’est une affaire à gagner trois ou quatre millions, dit M. de Poissy.
— Je le sais ; mais quel prix faudra-t-il les payer ?
— Il faudrait encore cent mille écus.
— Cent mille écus ! mais c’est exorbitant !
— Pour gagner quatre millions !
— Ah ! reprit le comte de Lozeraie, quel temps que le nôtre ! Autrefois le roi eût fait présent à un des seigneurs de sa cour d’une entreprise pareille ; cela eût suffi à la fortune de son protégé. Mais ce n’est plus le roi qui gouverne, ce sont les chambres d’une part, assemblées d’ergoteurs et de gratte-sous, et les bureaux d’une autre, repaires peuplés d’une race de commis sortis de derrière tous les comptoirs de France où ils ont appris à vendre jusqu’à leur honneur.
— C’est heureux quand on a de quoi l’acheter.
— C’est déplorable quand il faut le payer dix fois plus qu’il ne vaut.
— Cette somme de cent mille écus vous gênerait-elle ? dit le vicomte en regardant attentivement M. de Lozeraie.
— Moi ! reprit celui-ci avec hauteur, je suis prêt à la donner ; mais je ne veux pas me laisser friponner. Il me faut des garanties.
— En peut-on donner dans de pareilles négociations ? C’est une affaire de bonne foi.
— Savez-vous que j’avance plus de six cent mille francs ?
— Sans doute ; mais doutez-vous que, lorsqu’on présentera un homme de votre nom, il ne l’emporte pas facilement sur tous les concurrents qui lui seraient opposés ? Le ministre lui-même aura la main forcée.
— Croyez-vous ! dit M. de Lozeraie d’un air capable. Eh bien ! nous verrons. Je vais chez le roi, j’y trouverai le ministre, je sonderai le terrain, et demain je vous donnerai une réponse.
— Faudra-t-il venir la chercher ici ?
— Vous devez être invité chez M. de Favieri ? je vous y verrai.
— C’est très-bien ; mais on m’attend, que faut-il que je réponde ?
— Que je me consulte.
— Il y a des offres plus considérables que les vôtres et qu’on peut accepter d’ici à demain.