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mon père, car j’ai presque promis.

— Il suffit que vous le sachiez aujourd’hui, repartit sévèrement le comte ; vous êtes invité demain chez le marquis de Favieri, qui donne un bal à sa maison de campagne de Lorges, et je tiens à ce que vous vous rendiez à cette invitation.

— Je m’y rendrai, mon père, je m’y rendrai avec grand plaisir, répondit Arthur avec empressement.

— Je vous sais gré de cette obéissance, reprit M. de Lozeraie d’un ton moins rogue ; mais tâchez de n’y pas mettre de restriction, je vous prie ; quittez, s’il se peut, cet air triste et mélancolique que vous traînez partout. Vous verrez demain mademoiselle Flora de Favieri : c’est une fort belle personne, son père est immensément riche ; tâchez de plaire à l’un et à l’autre. Vous me comprenez ?… »

Arthur sembla d’abord entendre son père avec un vif étonnement, puis avec une satisfaction évidente. Il hésita cependant un moment à exprimer les pensées que la dernière phrase de son père avait fait naître en lui ; mais, comme celui-ci le regardait d’un air sévère et interrogateur, il se décida à parler et lui dit :

« — Sans doute, mon père, je crois vous comprendre, et je dois croire, d’après vos paroles, que vous ne répugneriez pas à une alliance avec un homme qui exerce l’état de banquier, comme fait M. le marquis de Favieri.

— Cet homme est le représentant d’une des plus nobles familles de Florence, dit sévèrement M. de Lozeraie. Le commerce et la banque, qui, en France, ont toujours été considérés comme une dérogation à la noblesse, n’ont pas la même défaveur en Italie. M. de Favieri ne s’est pas fait banquier, il est resté banquier comme ses ancêtres. C’est une bien grande différence avec les hommes de finance de notre pays, pour la plupart petits bourgeois parvenus. »

La joie qui s’était montrée sur le visage d’Arthur s’en effaça tout à coup, et il répondit timidement :

« — Il y a cependant des hommes fort honorables parmi tous ces bourgeois.

— Cela doit vous être indifférent, je suppose ; qu’avez-vous à faire avec ces gens-là ?

— Rien, mon père, » répondit Arthur vivement troublé.

Le comte considéra son fils, comme s’il eût douté de la vérité de cette assertion, puis reprit durement :

« — Vous vous appelez le vicomte de Lozeraie, ne l’oubliez plus, si par hasard il vous était arrivé de l’oublier.

— Mon père, jamais… Je n’ai rien fait…

— Je ne vous demande pas un plaidoyer ; un gentilhomme se fie à l’honneur de son fils. Souvenez-vous cependant que vous m’accompagnerez demain chez M. de Favieri.

— Je vous accompagnerai, mon père, » répondit Arthur.

Il allait se retirer et le comte s’apprêtait à sortir, lorsqu’on annonça {{