c’est donner à mon papier la valeur d’argent comptant.
— Je suis charmé que cela vous arrange. Du reste, monsieur Daneau, lundi au matin je serai ici avec mon notaire et le vôtre. Je vais donner l’ordre qu’on passe au bureau des hypothèques, et nous en finirons dans deux jours. Si vous pouviez, demain, venir passer une heure ou deux à l’Étang, nous pourrions causer plus librement…
— J’irai, Monsieur, j’irai ; mais… mais… Permettez-moi de vous dire… de vous remercier… de… »
Et l’entrepreneur bégayait, les larmes aux yeux.
« — Pardon, monsieur Daneau, lui dit Durand, on m’attend, et il faut que je vous renvoie.
— Oui, Monsieur, oui…
— Adieu, à demain. »
Et le banquier fit sortir l’entrepreneur avant que celui-ci eût eu le temps de décharger son cœur de la reconnaissance dont il était plein, de façon qu’il n’était pas à la porte du cabinet, qu’il cherchait à qui parler de la bienfaisance et de la bonhomie du banquier. Daneau avait tellement besoin de répandre au dehors les sentiments dont il était oppressé, qu’il se mit à faire l’éloge de Mathieu Durand à son domestique, qui l’attendait à la porte de l’hôtel avec son cabriolet. Il arrêta deux ou trois de ses amis pour leur apprendre qu’il avait un compte ouvert chez le banquier Mathieu Durand, qui était l’homme bienfaisant par excellence, et si simple, si bon, si peu fier, que lui, Daneau, était dans l’admiration la plus complète de cet homme.
— Mais il me semble qu’il la méritait, dit le baron, qui écoutait par désœuvrement.
— Comment donc ! dit le Diable, prêter sur hypothèque, rien n’est plus généreux. Demander des garanties énormes, rien n’est plus bienfaisant.
— Vous êtes gentilhomme, monsieur de Cerny, dit le poëte, et vous n’aimez pas la finance. Toutes vos épigrammes n’empêcheront pas que le trait de Mathieu Durand ne soit admirable.
— Admirable, c’est le mot, fit Satan, et vous le reconnaîtrez quand vous verrez le revers de la médaille. Mais pour vous le montrer, il faut que je continue mon histoire et que nous rentrions dans le cabinet du banquier.