et ferme avec lequel il semblait démêler les phrases les plus obscures et les affaires les plus embrouillées :
« — Monsieur, la démarche que je hasarde aujourd’hui est bien osée ; mais vous la pardonnerez à un homme qui est sur le point d’être ruiné et déshonoré, à la veille même de voir sa fortune assurée. Je suis entrepreneur de bâtiments.
— Je le sais, Monsieur.
— J’ai actuellement six maisons en construction. Je comptais pouvoir les mettre en location au terme d’avril de cette année, en faisant terminer durant l’hiver les travaux d’intérieur ; mais la saison a été si rigoureuse qu’il a été impossible de faire faire un pouce de plafond ni une toise de peinture, de façon que je ne suis pas plus avancé qu’il y a six mois. Cependant, ne prévoyant pas un hiver aussi terrible que celui qui vient de finir, j’avais pris de nombreux engagements pour ce mois-ci et les mois suivants. Ces engagements, j’aurais pu facilement les remplir, si mes calculs n’avaient pas été détruits par un accident qui ne se renouvelle pas une fois tous les dix ans ; j’aurais trouvé les fonds nécessaires, soit en hypothéquant ces maisons, soit en les vendant. Mais autant il est facile de se procurer de l’argent sur une propriété achevée et qui est en plein rapport, autant cela est impossible lorsqu’il reste encore de nombreux travaux à terminer. Nous seuls avons une connaissance assez exacte de la valeur qu’elle aura et des dépenses à faire, pour connaître les résultats certains de l’affaire et y avoir confiance.
— Je comprends parfaitement ce que vous me dites, Monsieur, reprit Mathieu Durand en regardant plus attentivement encore l’entrepreneur ; mais des maisons, quoiqu’elles ne soient pas terminées, ont cependant une valeur réelle et sur laquelle il ne doit pas être difficile de trouver des fonds.
— Je ne puis vous cacher, Monsieur, que cette valeur est engagée, en grande partie du moins. J’estime que les six maisons que je fais bâtir vaudront trois millions, et je n’avais guère que trois cent mille francs pour commencer. Ainsi une fois une partie du terrain payée, il m’a fallu l’hypothéquer pour commencer les travaux ; une fois le rez-de-chaussée établi, j’ai emprunte sur le rez-de-chaussée pour bâtir le premier, puis j’ai emprunté sur le premier pour bâtir le second, ainsi de suite. Aujourd’hui je dois à peu près douze cent mille francs hypothéqués sur les maisons, plus quatre cent mille francs d’engagements à ordre que j’avais échelonnés aux échéances d’avril, mai, juin, croyant qu’à cette époque mes ressources seraient assurées par la facilité d’un emprunt sur des maisons qui représenteront une valeur de trois millions. Cette valeur, elles ne l’auront plus qu’en juillet, et peut-être ne pourrai-je la leur donner.
— Comment cela ? dit Mathieu Durand, qui