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On dit qu’un être surhumain, monté sur un cheval de feu et entraînant la cavale dans sa course furieuse, parlait tout bas au malheureux et l’emportait à travers les campagnes ; puis, lorsque le pacte fut convenu et que Lionel l’eut ratifié en jetant dans la boue son éperon, en crachant sur une croix qu’ils rencontrèrent, et en souillant son épée du sang de sa mère, la cavale s’arrêta, épuisée de fatigue, et les coursiers qui la poursuivaient toujours vinrent s’abattre autour d’elle. Quand Lionel se releva, sa mère était morte, mais Alix vivait encore. XLII

TRANSFORMATIONS.

Luizzi avait écouté, le froid dans l’âme, la pâleur sur le visage, cette épouvantable histoire. Le poëte lui-même s’était laissé dominer par la voix sinistre du narrateur ; mais à ce moment il reprit son imperturbable assurance, et dit au Diable :

— Comment, Monsieur, Alix vivait encore ?

— Oui, répondit Satan ; ne fallait-il pas qu’elle donnât le jour au premier fils de cette race née de l’adultère et de l’inceste, au fils de Lionel, au petit-fils du Génois Zizuli ?

— Ah ! très-bien, fit le poëte. Au fait, vous avez raison, il fallait un dénoûment à la ballade ; je dis la ballade, car vous comprenez qu’un pareil dénoûment est impossible au théâtre, à moins que ce ne soit à Franconi. Et entendit-on parler encore, dans l’histoire de ce pays, de cette famille de Roquemure ?

— Non, elle s’était éteinte avec Gérard et Hugues.

— Mais ce Lionel, ou son fils, n’a-t-on rien fait sur eux ?

— On ajoute, répondit le Diable, que dans cette course inouïe il avait été emporté en moins d’une heure jusque dans le fond du Languedoc.

— Il y a donc des Roquemure en Languedoc ?

— Je ne le crois pas, car le fils de Lionel dut prendre le nom de son grand-père selon son pacte avec le Diable, et en se faisant un nom avec les lettres de ce nom singulier.

— Et quel est ce nom ?

— Voyez celui qu’on peut faire avec Zizuli.

Luizzi, presque aussi épouvanté par le récit qu’il venait d’entendre que son aïeul Lionel l’avait pu être par cette épouvantable lutte, s’écria involontairement :

— Non, non, il n’y a pas de nom dans tout le Languedoc qui ressemble à cela.

— Je vous demande pardon, dit le conteur, il en a un. Et si Monsieur, qui s’occupe d’histoir