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bien plus grandes que celles de la virginité. Dire à un fils qui vous a toujours respectée comme la plus pure et la plus sainte des femmes : Je ne suis qu’une adultère ; dire à l’enfant, qui est fier du nom qu’il porte avec éclat : Ce nom n’est pas à toi ; ajouter à l’aveu de la faute l’aveu d’un mensonge qui dure depuis vingt-deux ans, non, cela n’est pas possible, aucune mère ne le ferait, du moins sans d’affreux combats, sans…

— Sans un beau monologue, fit le poëte ; au fait, c’est le cas d’un beau monologue. Mais, le monologue passé, que fit cette mère ?

— Voici ce qu’elle fit : Elle se rendit chez son fils, qui, d’après les paroles de Hugues, attendait sa mère, et, s’armant de tout son courage, elle lui dit :

« — Lionel, au point du jour il faudra quitter cette maison.

— Je m’y attendais, ma mère. »

À cette réponse, Ermessinde resta stupéfaite, et, après avoir regardé longtemps son fils comme pour deviner ce qui avait pu si bien l’avertir, elle reprit avec effroi :

« — Et pourquoi t’y attendais-tu ?

— Vous voyez que j’avais raison de m’y attendre.

— Mais tu avais un motif pour redouter ce malheur ?

— Oui, ma mère.

— Et quel est-il ?

— Pouvez-vous me dire celui qui fait que vous venez m’annoncer mon départ ? »

La malheureuse mère se tut, elle se crut devinée et se cacha la tête dans les mains en pleurant. Lionel s’approcha d’elle et lui dit tendrement :

« — Son accueil ne devait-il pas m’avertir ? Mais ne pleurez pas, ma mère, car tout ceci finira. Mon père me hait. Pourquoi me hait-il ? je le saurai. »

Ermessinde vit qu’elle s’était trompée, et, reculant encore devant l’idée de s’humilier devant son fils, elle lui répondit :

« — Il sait ton amour pour Alix.

— Et c’est pour cela qu’il m’éloigne ? repartit Lionel avec un sourire d’incrédulité.

— C’est pour cela, je te le jure, Lionel.

— Oui, reprit-il amèrement, cela peut être vrai, mais ce n’est pas pour cela qu’il m’a fait partir il y a quatre ans, ce n’est pas pour cela qu’il me hait depuis que je suis né. N’importe, je partirai, je quitterai ce château pour n’y plus rentrer. Encore cette nuit, et mon père n’entendra plus parler de moi.

— Tu as bien vite pris ton parti, Lionel.

— J’ai voulu vous épargner la fatigue d’une supplication, ma mère ; et maintenant que vous m’avez trouvé soumis et obéissant comme vous devez le désirer, à demain. Jusque-là allez vous reposer.

— Ne te verrai-je donc pas avant ton départ ?

— Oh ! si, vous me verrez, nous ne nous séparerons pas ainsi.

— Lionel, tu ne médites aucune violence, n’est-ce pas ? Ta résignation m’épouvante.

— J’imite la vôtre, ma mère.

— Oh ! la mienne, c’est bien différent ! Mais ne