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Le baron ne se crut pas obligé de répondre à cet essai impuissant d’impertinence, et il dit au Diable :

— Eh bien ! Monsieur, en finirez-vous avec cette histoire ?

— Pardon ! fit Satan. Je ne vois pas ce qui peut vous y intéresser si vivement.

La baron furieux eût voulu pincer le bras de Satan jusqu’au sang, mais il savait qu’il ne ferait que se brûler les doigts, et il se remit dans son coin. XL

SECOND ACTE.

— Or, reprit le Diable, comme Lionel et sa mère finissaient cette explication, le vieux Hugues reparut dans la grande salle du château. On y préparait les tables pour le souper, et tous les habitants de la forteresse s’y rendaient un à un. La nuit était venue, l’on n’attendait plus que Gérard, et Gérard ne rentrait pas. Chacun s’en étonnait, à l’exception du vieillard. Il répondit aigrement à sa femme, qui s’inquiétait de cette absence :

« — Ceux qui s’en vont chevaucher par les campagnes peuvent trouver souvent des obstacles qui les retardent, mais il est étonnant que ceux qui n’ont qu’une porte à traverser ne soient pas ici à l’heure exacte des repas. Où est Alix ?

— Qu’on aille la prévenir, » dit Ermessinde.

Pendant ce temps, le vieillard baissa la tête ; mais son œil fauve, ombragé par ses longs sourcils pendants, s’attacha au visage de Lionel. Alix entra. Lionel demeura immobile et impassible. Le vieillard reprit d’un ton doucereux :

« — Eh bien ! ma fille, vous ne voulez donc pas de notre compagnie, et, lorsque Gérard n’est pas au château, il n’y a donc plus personne ici qui vous plaise ? Voici cependant un beau et brave chevalier que je vous présente, c’est mon fils Lionel. »

Alix et le jeune homme se saluèrent froidement. Hugues les considérait avec attention. Ermessinde, qui était près de son fils, lui dit tout bas :

« — Ne t’étonne pas du froid accueil de la femme de ton frère, elle est encore bien timide. »

Lionel sourit amèrement, puis repartit :

« — Rien ne m’étonne, ma mère. »