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visible ; c’est aussi une légende, car le Diable s’y trouve mêlé.

— Vrai ? dit le poëte en souriant, cela peut être amusant.

— Je dispense Monsieur de nous les raconter, dit le baron, qui craignait toutes les révélations du Diable, de quelque date qu’elles pussent être.

— Mais moi, je l’en prie.

La colère de Luizzi contre le Diable fut sur le point d’éclater, mais, espérant pouvoir échapper au récit de Satan et décidé à profiter du premier moment où ils seraient seuls pour s’en débarrasser, il se jeta dans le fond du cabriolet pour ne pas écouter.

Cependant le narrateur ne prenait pas la parole.

— Eh bien ! Monsieur, s’écria le poëte, votre histoire, ne vous la rappelez-vous plus ?

— M’y voici. J’attendais, pour la commencer, d’avoir tourné l’angle de la route, afin de pouvoir vous montrer le théâtre de l’aventure que j’ai à vous raconter, et qui, je le crois, traitée par un homme de votre génie, pourrait faire une tragédie passablement sombre.

— Vous voulez dire un drame historique, mon cher Monsieur ? Mais où est donc, reprit le poëte, le théâtre de cette histoire que vous dites destinée au théâtre ?

Le Diable étendit la main dans la direction d’une petite colline qui s’élevait à une distance assez rapprochée de la route.

— Voyez-vous, dit-il, au sommet de cette petite hauteur escarpée, quelques larges pierres circulairement placées et qui semblent avoir été la base d’une vaste tour ?

— Je les vois parfaitement, dit le poëte.

— Eh bien ! reprit Satan, c’est tout ce qui reste de l’antique château de Roquemure.

— Le château de Roquemure ! s’écria Luizzi en bondissant à sa place.

— Vous en avez entendu parler, Monsieur ? dit Satan du ton d’un honnête bourgeois qui va raconter une anecdote de société.

— Oui, dit Luizzi, et je serais curieux de savoir quelle histoire vous avez à raconter à ce sujet.

— C’est celle de sa destruction.

Le baron examina attentivement Satan, qui, s’enveloppant dans son manteau, ne parut pas remarquer le regard interrogateur du baron, et commença ainsi. XXXIX