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— J’étais au pied de l’escalier quand elle descendait ; car ce qui est arrivé avait éveillé et mis sur pied toute la maison. La dame était accompagnée d’un monsieur avec une écharpe. Lorsqu’elle me vit, elle dit au monsieur : « Voilà une enfant, une pauvre mendiante, que j’ai amenée avec moi et à laquelle je voulais servir de protectrice ; permettez-moi de lui faire un dernier présent qui la mette du moins pendant quelque temps à l’abri de la misère. » Comme le monsieur à l’écharpe lui faisait signe qu’il y consentait, les gendarmes revinrent en disant qu’ils ne savaient pas où vous étiez passé.

« — Je le sais bien, dis-je tout bas à la bonne dame.

— Dieu soit béni ! me répondit-elle. Eh bien ! cherche à le retrouver, tu lui remettras ceci, tu lui diras que je suis arrêtée, qu’il ne revienne pas à Orléans, qu’il aille à Toulouse, comme nous en étions convenus. Là je trouverai moyen de lui donner de mes nouvelles. »

En parlant ainsi, l’enfant remit à Luizzi une bourse dans laquelle était le peu d’or qui lui restait de ce qui lui avait été apporté par Henri.

— Mais elle ? dit le baron à la petite mendiante.

— Elle ? répondit celle-ci, elle a ajouté : « Dis-lui que demain j’aurai écrit à mon père et que je n’aurai rien à craindre ; dis-lui que toi et le vieux soldat aveugle vous attendrez ici sa sœur, madame Donezau, et que vous la ferez partir secrètement pour Toulouse. »

À ce moment le monsieur à écharpe s’est approché pour lui dire de se dépêcher, et elle m’a quittée. Alors je suis partie et j’ai suivi la route toujours tout droit, pensant bien que, dans l’état où je vous avais vu quand vous êtes passé près de moi, vous n’aviez guère pensé à vous détourner.

— Et te voilà arrivée jusqu’à moi ? dit Luizzi.

— Et si j’ai bien compris le dernier regard que la dame m’a jeté, elle attend que je lui porte une réponse. Que faudra-t-il lui dire ?

— Que je suivrai ses conseils et que bientôt je serai de retour et en mesure de la sauver. Tu entends bien ?

— J’ai bien entendu, et je lui répéterai ce que vous venez de me dire.

— Dis-lui aussi, reprit Luizzi, qu’il a fallu le délire d’un instant de folie pour me pousser…

Le Diable se mit à rire, et Luizzi, s’apercevant qu’il se faisait bien petit en envoyant des protestations et des explications de cette nature à la femme qui venait de se montrer pour lui si simplement et si noblement courageuse, s’arrêta tout à coup et reprit :

— Dis-lui que je la sauverai, dussé-je y périr.

— Je le lui dirai, répondit la mendiante.

— Mais, j’y pense, fit Luizzi, comment pénétreras-tu dans sa prison ?

— Oh ! ça sera bientôt fait, repartit la mendiante en s’éloignant.

— Tu y connais donc quelqu’un ?

— Non, mais j’y entrerai, j’en suis sûre.

— Cela est impossible ; tu ne sais