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— Que veut dire cela ? s’écria Luizzi.

— Regarde bien et lis bien, reprit le Diable ; tu es de trop bonne famille pour ne pas comprendre un arbre généalogique, tu as reçu une trop bonne éducation pour ne pas comprendre la loi qui régit les héritages, tu dois donc savoir que M. Gustave de Bridely et madame Peyrol descendent de la même souche, et que M. Gustave de Bridely a recueilli, par représentation de son père et de sa grand’mère, l’héritage de sa bisaïeule, qui sans cela aurait appartenu à la dernière héritière des Cauny, si la famille des Bridely avait été éteinte.

— Et Gustave, cet héritier supposé, légitimé par un crime, sait-il cette circonstance ?

— Il la sait si bien, repartit le Diable, que ç’a été la matière du procès qu’il a gagné à Rennes, grâce aux soins de ton notaire Barnet.

— Malheureuse Eugénie ! à quelles mains t’ai-je livrée ! s’écria Luizzi en levant un regard épouvanté et suppliant sur Satan.

Mais il ne rencontra plus l’esclave tremblant et grotesque qu’il avait tout à l’heure devant les yeux : c’était le Malais qui avait dépouillé la livrée ridicule et honteuse dont on l’avait couvert, debout et tout nu devant lui, avec son hideux sourire et son fauve regard de cannibale, contemplant la victime qu’il va dévorer. À cet aspect, Luizzi éprouva un moment de terreur indicible, sa tête s’égara, il sentit ses genoux prêts à fléchir devant ce roi du mal, il poussa un cri horrible, et il allait lui demander grâce lorsqu’une porte s’ouvrit. XXXVII

SUITE DU CHAPITRE PRÉCÉDENT.

La porte s’était ouverte, et madame de Cerny était entrée. Ainsi qu’il l’avait déjà fait une fois, et cependant contre l’ordinaire de ses habitudes avec Luizzi, Satan était resté dans le coin de cette chambre. Armand, prêt à fléchir le genou devant son esclave, s’était relevé et s’était élancé vers Léonie comme un enfant épouvanté vers sa mère. Si la terreur qu’il venait d’éprouver ne l’eût pour ainsi dire étranglé, il aurait sans doute demandé secours à Léonie avec des cris d’effroi ; mais il ne pouvait articuler une parole, et ses regards étaient attachés à l’angle de ce salon, où le Diable se tenait immobile dans sa farouche attitude.

— Armand ! Armand ! s’écria Léonie, je vous ai entendu parler, vous agiter ; vous paraissiez ne pas être seul… et cependant il n’y