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de vingt-quatre heures à Toulouse suffise à la conclusion de mes affaires.

La comtesse se retira dans la chambre du petit appartement qu’ils occupaient, et Luizzi demeura seul. XXXVI

L’ESCLAVE.

Sans doute Luizzi avait raison quand il dit à Léonie qu’elle était l’ange de sa vie. Car il sembla qu’en le quittant elle emportât avec elle tout ce qu’elle donnait à cet homme d’espérance, de foi et de charité : d’espérance en son avenir, de foi en l’indulgence de Dieu, de charité pour ceux qui souffraient près de lui. Aussitôt qu’il fut seul, ses doutes le reprirent : il recommença à calculer sa vie, en raison des bonnes et mauvaises chances qu’il se croyait le pouvoir de combiner et de maîtriser. Il se dit que le temps nécessaire pour recevoir la réponse de madame Peyrol ou l’attendre elle-même pouvait l’exposer, ainsi que la comtesse, à être découverts dans une ville qui est le rendez-vous de la moitié des grandes routes de la France. Il se dit qu’après tout il ne pouvait sacrifier sa sûreté et celle de la comtesse à une femme dont il n’avait pas fait la destinée, et qui, un jour plus tôt, un jour plus tard, retrouverait sa mère sans qu’il fût besoin de se compromettre pour elle. La mission de Gustave suffisait pour le moment à arracher madame Peyrol à une misère qui ne devait pas être une bien grande souffrance pour une femme élevée dans les rudes habitudes du peuple. La seule chose qui troublât le baron dans ce panégyrique bénévole qu’il faisait de lui-même, c’était de savoir si cette mission avait été remplie, et il avait un moyen trop facile de l’apprendre pour ne pas y recourir. D’ailleurs Luizzi s’était aperçu de la facilité avec laquelle il se laissait alors dominer par la présence de celui qu’il appelait son esclave, et il résolut de reprendre vis-à vis de lui cette autorité grâce à laquelle il avait quelquefois lutté contre ce génie du mal.

Il appela donc Satan, et Satan parut sous une forme encore plus extraordinaire que toutes celles qu’il avait choisies jusque-là. Il avait pris la figure et la forme grotesque d’Akabila lorsqu’il était vêtu de ses habits de jockey. Il avait l’extérieur de cette obéissance courbée et craintive de l’esclave malais, obéissance qui cependant semble toujours prête à se relever et à se venger. Luizzi était loin