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— Non, non, Armand, dit Léonie en s’approchant à son tour de lui et en écartant de sa main les longs cheveux d’Armand qui ombrageaient son front soucieux, comme si elle eût voulu avec eux en chasser la pensée qui l’assombrissait ; non, je n’ai pas pensé cela de toi, mon Armand. J’ai eu peur, voilà tout ! mais ce n’est pas de toi, je le jure ! de toi, en qui je crois ; de toi qui, je le sais, as eu une existence marquée de singuliers malheurs, et qui, je le crois, avais besoin d’être aimé pour être heureux. Et moi, je t’aime tant que je détournerai la fatalité qui t’a fait tant souffrir.

— Oh ! oui, lui répondit Armand en la serrant contre son cœur, tu es l’ange de ma vie, tu es la main que Dieu me tend pour me sauver dans l’orage, tu es la lumière qu’il me montre pour me guider dans la nuit. Parle ! ce que tu me diras de faire, je le ferai ; ce que tu voudras, je le voudrai.

— Eh bien ! crois-moi, Armand, acceptons comme un signe de la protection de Dieu toutes les choses qui m’ont étonnée et qui t’ont épouvanté. Achevons par nos efforts l’œuvre qu’il semble nous avoir remise dans les mains. Rendons une mère à sa fille. Dieu, qui a mis les bienfaits au nombre des vertus, acceptera celui-là comme le plus saint et le plus grand qu’on puisse accomplir sur cette terre.

— Tu as raison, dit Luizzi, ce sera un bienfait pour toi et une expiation pour moi, et maintenant je puis te dire que j’y avais déjà pensé.

Alors il lui dit la lettre qu’il avait écrite à Gustave de Bridely, ainsi que la manière dont il lui avait recommandé madame Peyrol. Léonie écoutait le baron avec un doux sourire, et, lorsqu’il eut achevé, elle lui dit en déposant un baiser sur son front et comme si elle eût compris toutes les accusations que cet homme portait contre lui-même :

— Armand, tu vois bien que tu es noble et bon quand tu le veux, et qu’il n’y a que de fausses lumières qui t’égarent…

Puis elle reprit :

— Il faudrait savoir si M. de Bridely a rempli ta mission. C’est hier au soir que tu as remis ta lettre à Fontainebleau, elle a dû être reçue ce matin, et à l’heure qu’il est, car la nuit est venue, si cet homme est digne de t’avoir compris, il doit être parti de Paris. Il faut écrire à madame Peyrol pour t’en assurer ; et, s’il n’est pas près d’elle, nous irons nous-mêmes lui apprendre un secret qu’il serait imprudent de confier à une lettre, ou plutôt nous lui donnerons rendez-vous dans cette maison où nous attendons ta sœur et où nous serons trois alors qui te devrons notre bonheur.

— Je vais t’obéir, dit Luizzi d’un ton pensif. Repose-toi ; j’écrirai pendant ton sommeil, car il faut aussi que je fasse une longue lettre à mon notaire pour lui expliquer mes intentions, de manière qu’un séjour