furent indignés de cette accusation. Elle arriva jusqu’à la famille, qui crut devoir faire donner à mon père des témoignages de son intérêt ; cela fut encore traduit comme on traduisait tout alors. On dit que Louis XVI avait fait complimenter mon père pour sa conduite et l’avait offerte en exemple à tous ses officiers. Il en résulta que le nom d’Assimbret fut marqué d’une renommée qui devait plus tard le faire inscrire l’un des premiers sur les listes de proscription.
Je ne vous ai pas dit le motif secret qui avait fait refuser si longtemps au comte de Cauny la réparation que lui demandait mon père, mais vous l’avez sans doute deviné. Le comte était épris et sincèrement épris de Valentine, quoiqu’à cette époque elle eût à peine quatorze ans. Mais il paraît que déjà à cet âge c’était une personne accomplie en esprit et en beauté.
« — Ah ! dit Luizzi avec un amer soupir ; alors, comme aujourd’hui, à ce que je vois, les couvents n’étaient pas un asile contre la séduction.
— Il n’y eut pas de séduction, je vous assure, mon cher Armand ; cette passion naquit et grandit avec l’âge chez le comte et Valentine. Toutes les fois que M. de Cauny le père envoyait le vicomte pour voir sa sœur, celui-ci, qu’un voyage de quelques heures aboutissant à un parloir ennuyait à périr, se faisait accompagner par son ami. Bientôt il arriva que mon père, dont ces visites dérangeaient la vie de plaisirs, priait le comte, qui, disait-il, avait beaucoup de temps à dépenser en ennui, d’aller voir sa sœur et de lui rapporter les nouvelles du couvent pour qu’il pût les apprendre à son tuteur comme s’il eût fait la visite lui-même. M. de Cauny, quoique bien jeune, aima d’abord Valentine comme une enfant charmante qui n’était guère protégée que par lui ; car le vieux comte, toujours malade et impotent, ne quittait presque jamais son hôtel. Puis, lorsqu’elle devint grande et belle, il l’aima comme une femme. On avait coutume de voir venir M. de Cauny au couvent, où il représenta longtemps, à vrai dire, son père en qualité de tuteur de Valentine. Personne ne put soupçonner que ces visites n’avaient plus un intérêt aussi respectable, et, lorsque des dissensions d’opinions éclatèrent entre le vicomte d’Assimbret et M. de Cauny, personne n’ayant averti la supérieure qu’il y avait une séparation entre les deux familles, le comte continua à voir Valentine jusqu’au moment de ce déplorable duel…