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serais bien heureuse de la payer ainsi, je vous le jure. Ma pauvre tante ! elle a été si malheureuse, elle a tant souffert, que le ciel lui devrait cette consolation dans sa vieillesse.

— Mais, reprit Armand, dites-moi tout ce que vous savez des circonstances de cet événement, pour que je puisse diriger mes recherches d’une manière certaine.

— Volontiers. C’est une histoire assez bizarre que j’ai tout le temps de vous apprendre, et qu’il faut que vous sachiez dans tous ses détails pour que le dénoûment ne vous en étonne pas.

Luizzi se rapprocha de Léonie pour écouter avec un intérêt de cœur une histoire qu’on lui disait intéressante, racontée par une voix dont chaque parole avait pour lui un son harmonieux.

Qu’on nous pardonne si les curieux à qui nous transmettons en fidèle secrétaire ces confidences de notre infortuné ami le baron de Luizzi, ne la lisent pas avec le charme qu’il éprouva à l’entendre ; car nous ne sommes pas dans des conditions aussi favorables que Léonie pour obtenir l’attention et l’indulgence de ceux qui veulent apprendre le secret de la naissance de la malheureuse Eugénie. Voici cependant comment madame de Cerny la raconta : XXXI

PREMIER RELAIS.

— Il faut vous dire, mon cher Armand, à moins que vous ne le sachiez, car vous savez beaucoup de choses, que mon père, le vicomte d’Assimbret, et sa sœur, mademoiselle Valentine d’Assimbret, restèrent orphelins dès leur enfance. Leur tutelle fut confiée à M. de Cauny, le père du mari de ma tante, qui est mort au commencement de la révolution. Ce M. de Cauny était veuf, et sa sœur, qui ne s’était pas mariée, demeurant en Bretagne, il se trouva fort embarrassé de sa pupille et la plaça dans un couvent à quelques lieues de Paris. Quant au vicomte d’Assimbret, mon père, il fut élevé avec le fils de M. de Cauny. Ils suivirent les mêmes études, entrèrent en même temps dans la maison du roi et restèrent amis, quoique tous deux d’un caractère bien différent. Le regard que vous avez lancé sur madame de Marignon lorsque vous m’avez rappelé le nom de mon père me prouve que vous savez assez, pour que je n’aie pas besoin de vous le raconter, quelle a été sa jeunesse.

— Oui, dit Luizzi, il a été fort brillant.

— C’est le nom poli qu’on donne encore à l’homme qui a été plus que dérangé ; je vous remercie de l’avoir choisi, répondit madame