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Armand, vous devez en avoir besoin. Songez, ajouta-t-elle d’une voix timide et émue, songez que nous partons demain… et… qu’il faut vous reposer aussi…

— Oui, dit Armand en jetant autour de lui un regard presque mélancolique, oui, je me reposerai quelque part… par là…

— Armand, dit Léonie en lui serrant vivement la main et en laissant s’échapper une larme heureuse, Armand, vous êtes bon et noble, je vous remercie.

— Léonie !

— Oh ! oui, je vous remercie, vous avez voulu oublier que je vous appartenais… Oui, je vous ai compris, Armand… et vous m’aimez… vous m’aimez bien…

— C’est vous, Léonie, vous qui êtes bonne et noble, vous qui vous êtes donnée à moi.

— Et qui t’appartiens toujours, Armand, lui dit-elle en lui tendant les bras… Oh ! oui, s’écria-t-elle, oui, viens près de moi, je suis fière de t’appartenir.

Et tous deux furent bientôt dans les bras l’un de l’autre, heureux d’un bonheur qu’on ne peut décrire, parce que ce bonheur n’appartient qu’à quelques-uns, et que la langue qui parle d’amour appartient à tous et n’a que le sens grossier avec lequel on l’écoute.

Puis, quand cette nuit fut passée ; quand, dans les longs entretiens de ces heures si courtes, tout eut été dit de ces joies qui éblouissent tellement une vie que tout lui semble terne à côté ; quand ces premières barrières d’une intimité qui doit durer longtemps furent doucement abaissées, le matin arriva, et, avec lui, les soins du départ.

Entre deux personnes de l’âge et des habitudes d’Armand et de la comtesse, ce ne pouvaient pas être ces joyeux transports d’une première jeunesse qui s’amuse des soins personnels auxquels elle s’oblige avec gaieté ; ce fut un doux bonheur de se les rendre, de se sentir en tout s’appartenir si complètement l’un à l’autre. Luizzi était heureux quand il voyait la fière et belle comtesse de Cerny, si habituée à livrer sa personne à un soin étranger, dérouler et peigner sa belle et longue chevelure devant l’étroit miroir de cette chambre d’auberge et la relever presque maladroitement sur son front, en restant toujours belle, quoique moins parée. Elle était heureuse aussi quand, son regard cherchant une de ces mille futilités si nécessaires à une femme, elle voyait Luizzi défaire quelque volumineux paquet, ouvrir quelque vaste carton et y trouver ce qu’elle cherchait, lui prouvant ainsi qu’il n’avait rien oublié de ce qui était pour elle. Et ce bonheur mutuel, il était pur et sans arrière-pensée dans le cœur de l’un et de l’autre, car c’était un jour, une heure à passer ainsi ; ils n’avaient pas besoin de se dire avec courage que ce serait toujours un bonheur. Dans quelques jours, tous deux devaient rentrer dans le luxe de leur vie, et ce