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ne fût-il qu’une maladie.

— Aussi, répondit Léonie, l’asile que j’ai choisi n’a-t-il pas tous ces inconvénients.

— Vous avez donc choisi un asile ?

— Je crois vous avoir parlé d’une de mes tantes, madame de Paradèze ; elle habite son château, qui est situé à quelques lieues de Bois-Mandé, de façon que le chemin que nous ferions pour nous y rendre nous conduirait en même temps au but de votre voyage. C’est chez elle que je compte séjourner pendant votre absence.

— Mais, dit Luizzi, comment lui expliquerez-vous le motif de votre arrivée ?

— Je lui dirai de la vérité ce que je dois lui en dire. Madame de Paradèze, dont je suis la seule héritière, a pour moi une tendresse de mère, et je suis assurée que sa bonté acceptera facilement la condition que je lui imposerai, de ne pas dire à mon mari que j’ai choisi chez elle un asile contre son affreuse persécution.

— Êtes-vous bien sûre de sa discrétion ?

— Sûre de son amitié comme de votre amour, Armand. C’est une âme qui a beaucoup souffert, un cœur qui a beaucoup pleuré, une existence qui n’a jamais eu au monde que mon affection, et qui est à moi comme je suis à vous.

— Mais, reprit encore Luizzi, sera-t-elle seule dans le secret de votre séjour en son château ?

— Je ne pourrai cacher mon arrivée à M. de Paradèze, son mari ; mais c’est un vieillard plus qu’octogénaire, accablé par l’âge et les infirmités, et qui d’ailleurs n’a d’autre volonté que celle de ma tante, car il lui doit la fortune qu’il a et jusqu’au nom qu’il porte.

Armand et Léonie discutèrent encore assez longtemps la question : Luizzi s’épouvantant à l’idée d’abandonner un instant cette femme, elle persévérant dans sa généreuse résolution et lui faisant comprendre que le meilleur moyen d’assurer l’avenir c’était de lui donner une base solide dans le présent. Enfin, ce projet était si raisonnable et pouvait être d’une exécution si rapide que Luizzi finit par céder et lui dit enfin :

— Vous avez toutes les supériorités, Léonie, même celle de la raison, et vous n’en avez pas une dont je ne veuille être l’esclave.

— Vous appelez raison, dit la comtesse, ce qui n’est qu’amour, mon ami ; croyez-moi, quand on aime son bonheur, on trouve en soi tout ce qu’il faut de prudence et de force pour le défendre. Songez maintenant à l’heure à laquelle nous pourrons partir pour Orléans. Il est toujours bien convenu que nous prendrons une voiture publique, car l’achat d’une chaise de poste pour des gens qui sont venus à pied serait probablement plus remarqué que nous ne le voudrions.

— Vous avez raison en tout, repartit le baron.

Il sortit aussitôt et rentra quelques minutes après, pour annoncer