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une certaine madame de Cauny. Je ne puis vous garantir que ce soit le vrai nom de la mère de madame Peyrol ; mais vous l’apprendrez suffisamment d’elle-même quand vous la verrez, car je désire que vous la voyiez le plus tôt possible. Elle demeure dans une petite maison, au pied du château du Taillis, à quelques lieues de Caen. Veuillez vous y rendre en personne et lui remettre, de ma part, l’argent de ce bon que je vous envoie sur mon banquier ; vous lui ferez comprendre que ceci n’est point une aumône, que c’est un prêt que je lui fais et que j’en exigerai le remboursement lorsqu’elle aura retrouvé sa famille et la fortune à laquelle sans doute elle a droit.

« Ce qu’il y aura de plus difficile dans votre négociation, mon cher Gustave, ce sera de faire accepter cet argent à madame Peyrol ; mais il est un moyen qui sera probablement plus puissant que toutes vos instances. Ce moyen, c’est l’espoir que vous lui donnerez de retrouver sa famille et d’avoir, par conséquent, la possibilité de faire une restitution complète. Vous êtes à même, je le crois du moins, de lui donner cet espoir d’une manière moins incertaine que moi ; et, si je me le rappelle bien, maintenant que je suis plus calme, le nom de madame de Cauny s’associe dans mes souvenirs à celui de madame de Marignon, dont vous savez l’histoire aussi bien que moi. Interrogez-la donc à ce sujet, interrogez-la avec la discrétion et les ménagements que demande son passé, quoique ce nom de Cauny ne me paraisse pas de ceux dont le souvenir puisse faire rougir madame de Marignon.

« Voilà ce que j’attends de vous, mon cher Gustave, comme d’un ami à qui j’ai le droit de demander quelques services. En faisant cela, vous me payerez de tout le passé, et vous vous assurerez ma reconnaissance la plus vive dans l’avenir.

« C’est une mission d’honneur que je vous confie ; le nom que vous portez m’est un garant infaillible que vous l’accomplirez avec honneur.

« ARMAND DE LUIZZI. »

Lorsque le baron s’en mêlait, il savait prendre ses précautions tout aussi bien que le plus vulgaire des hommes. En effet, il avait longtemps pratiqué la vie ordinaire avant la vie fantastique à laquelle l’héritage de son père l’avait voué, et, pourvu qu’il ne consultât pas le Diable, il n’était ni plus méchant ni plus niais qu’un autre ; à tout prendre, il était peut-être meilleur et plus habile que d’autres. Cette lettre qu’il venait d’écrire, et les précautions qu’il prit pour la faire parvenir à son adresse, en sont une preuve que nous nous plaisons à rapporter avec d’autant plus