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— Infâme ! murmura Luizzi, je ne t’interromps pas, ne t’interromps pas toi-même et continue.

Le Diable prit une expression de malveillance que ne lui avait jamais vue le baron, et continua son récit sans répondre à cette injure d’Armand.

« — Elle n’a jamais été et ne sera jamais sa maîtresse, avait dit le comte.

— Ni celle-là, ni une autre, repartit Juliette, à moins que je ne veuille le permettre ; car le pauvre garçon est amoureux de moi comme un imbécile. »

— Moi, amoureux de cette fille ! s’écria Luizzi avec éclat. Oh ! je la déteste, je la méprise ! misérable femme perdue, indigne créature !

À ce moment, Léonie se réveilla en poussant un cri et en se rejetant au fond de la voiture. XXVIII

UN RÊVE.

— Oh ! Armand, de qui parles-tu ? dit-elle avec un accent égaré ; qui as-tu nommé infâme créature ? qui as-tu appelé misérable femme perdue ?

— Oh ! ce n’est pas toi, pauvre femme infortunée ! s’écria Luizzi en tombant à genoux devant elle ; toi, qui maintenant plus que jamais m’es attachée par les liens du malheur ! car les douleurs que tu as souffertes et les douleurs que je prévois nous viennent sans doute de la même source.

— Tu prévois donc des douleurs maintenant ? reprit madame de Cerny. Armand, vous avez réfléchi trop tard.

— Non, Léonie, ce n’est pas de toi que mes douleurs peuvent venir.

Comme il parlait ainsi, il entendit le rire aigre et saccadé du Diable, qui se tenait tapi sur le devant de la berline, dévorant de son fauve regard cette noble et belle femme qu’il avait enfin réussi à pousser au mal.

— Non, ce n’est pas de toi, continua Luizzi en élevant la voix, comme pour répondre à cette raillerie de Satan, ce n’est pas de toi que me viendront mes douleurs ; et, s’il doit rester une consolation à ma vie, c’est de toi que je l’espère, de toi seule, entends-tu ?

Et le rire de Satan résonna plus aigrement à l’oreille du baron, et celui-ci, irrité de l’insolente moquerie de son infernal esclave, s’écria avec emportement :

— Va-t’en ! va-t’en !