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de Juliette donnèrent aux souvenirs du comte la certitude qui jusque-là leur avait manqué ; car il s’avança plus rapidement encore entre la porte et la jeune fille, et l’arrêta au moment où elle allait sortir.

« — Vous êtes Juliette Gelis ? lui dit-il.

— Vous vous trompez, Monsieur, lui répondit-elle effrontément, je ne vous connais pas.

— Misérable coquine ! s’écria le comte en la saisissant violemment par le bras et en la traînant au milieu de la chambre ; ne fais pas semblant de ne pas me reconnaître, car moi je t’ai bien reconnue. »

Juliette baissa d’abord la tête en mordant ses lèvres de rage ; puis, après un moment de silence, elle se mit à regarder le comte avec une impudence méprisante et lui répondit d’un ton grossier de bravade :

« — Eh bien ! oui, je suis Juliette Gelis : qu’est-ce que vous avez à dire, après tout ?

— Ce que j’ai à dire ? repartit le comte en s’approchant d’elle les poings fermés, comme un homme qui a toutes les peines du monde à se contenir assez pour ne pas se porter à d’extrêmes violences ; ce que j’ai à te dire, misérable ! ne te souviens-tu plus de ce qui s’est passé entre nous à Aix ? »

— À Aix ! s’écria Luizzi en interrompant le Diable et en rapprochant cette circonstance du récit qu’il avait entendu la veille.

Le Diable regarda Luizzi avec un sourire méprisant et lui répondit :

— Tu m’avais promis de ne pas m’interrompre ?

— Tu as raison, Satan ! Mais prends garde, toi qui es mon esclave, que je ne t’attache à moi assez fortement pour que je t’enlève la joie de faire d’autres misérables !

— Comme il te plaira ! répondit Satan ; mais ne crie pas si haut, n’éveille pas cette femme qui dort !

— Parle donc, parle donc !

Le Diable rejeta sur son front les longs cheveux gras et sales qui lui couvraient le visage, et reprit son récit en gardant ce sourire pendant et avachi qui reste seul à une bouche flétrie par une honteuse débauche.

« — Te souviens-tu, dit le comte à Juliette, de ce qui s’est passé entre nous à Aix ?

— Eh bien ! répondit-elle, il me semble que ça vous a amusé autant que moi, pour le moins ! J’ai fait tout ce que vous avez voulu ; vous avez payé, nous sommes quittes. »

En disant ces paroles, Juliette s’avança vers la porte. Mais le comte l’arrêta et lui dit d’un ton encore plus irrité :

« — Pas encore ! car cette nuit d’orgie, je l’ai payée plus cher que l’or que je t’ai donné. Tu dois le savoir, misérable !

— Ma foi ! dit Juliette, c’est un malheur auquel on s’expose quand on