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de son corps reposant sur les genoux du baron, et sa tête appuyée à l’angle opposé de la berline. Luizzi la soutenait dans ses bras en protégeant sa tête contre le mouvement et les cahots de la voiture ; il l’enveloppa dans la roulière et la contempla ainsi pâle, froide, presque mourante.

— Léonie, Léonie, lui dit-il tout bas en la serrant contre lui, du courage ! du courage !

— Merci !… merci ! lui dit-elle, comme si elle eût été plongée dans un demi-sommeil. Oh ! c’est bon… c’est chaud…

Une larme vint aux yeux de Luizzi, à ce mot d’une femme si noblement née, si richement posée, si brillante, et qui le remerciait de l’avoir garantie un moment du froid qui la gagnait. Il la serra plus près sur son cœur, l’enveloppa dans ses bras, comme s’ils eussent dû couvrir tout son corps ; et, se penchant vers elle, il déposa un baiser sur son front glacé. Léonie dégagea doucement ses bras de la roulière qui l’enveloppait, et, les passant au cou d’Armand, elle se suspendit à lui et murmura doucement sans ouvrir les yeux…

— Tu m’aimes, n’est-ce pas ? tu m’aimes ?

— Oui, Léonie, oui, je t’aime !… et Dieu m’est témoin que je mourrai avant d’avoir la pensée de ne plus t’aimer comme la plus noble et la plus sainte des femmes !

— Merci !… merci !… repartit Léonie… Tu ne m’abandonneras pas, n’est-ce pas ?

— Oh ! tais-toi, Léonie, tais-toi… Moi t’abandonner !… Oh ! jamais… jamais…

La comtesse rouvrit ses yeux, dont l’éclat vitreux annonçait une fièvre ardente, et reprit en jetant un regard affaissé sur le baron :

— Oui, tu m’aimes !… oh ! oui, tu m’aimes, n’est-ce pas ?… et si je meurs, tu ne me mépriseras pas !

— Léonie !… s’écria le baron en laissant couler des larmes sur le visage de la comtesse, que parles-tu de mourir ?… Oh ! tu souffres, tu souffres !…

— Non… tu m’aimes !… Parle-moi, parle-moi ainsi… tu me fais du bien !

Et elle dénoua ses bras du cou du baron, prit une de ses mains et l’appuya sur son cœur en lui disant doucement et d’une voix qui s’éteignait peu à peu dans l’affaissement somnolent produit en elle par la lassitude et la fièvre :

— Aime-moi… aime-moi beaucoup… tu n’auras pas longtemps à m’aimer… non, pas longtemps… et pourtant je suis heureuse… bien heureuse… Armand… je t’aime !…

Et en parlant ainsi elle pressait la main d’Armand sur son cœur, et, à mesure que sa parole s’éteignait, cette pression diminuait aussi ; puis elle laissa aller ses bras, sa tête s’abandonna tout à