Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome II.djvu/227

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Je ne veux pas de discussion, dit violemment le comte ; je vous laisse une heure pour réfléchir et pour consentir à ce que je vous demande. Si dans ce délai tout n’est pas accompli, c’est que vous aurez préféré la mort. Quant à l’abbé Molinet, ajouta-t-il en jetant le soulier à terre, je sais un moyen certain de le faire taire. Le comte sortit, laissant la comtesse et Luizzi en présence. XXIII

LE ROMAN D’UNE HEURE.

À peine furent-ils seuls que la comtesse se leva et poussa un verrou qui fermait la porte en dedans, puis elle se tourna vers Luizzi. Une résolution folle et terrible éclatait sur son visage, elle se posa en face d’Armand et lui dit :

— Eh bien, monsieur le baron, que comptez-vous faire ?

— Rien pour moi, Madame, dit le baron, tout pour vous.

— Ce n’est pas répondre, Monsieur ; nous ne pouvons nous sauver l’un et l’autre sans nous perdre d’honneur l’un et l’autre. Nous ne pouvons sortir d’ici, vous qu’avec la réputation d’un lâche, moi qu’avec le renom d’une femme perdue. Voulez-vous sacrifier votre honneur ?

— Oseriez-vous me sacrifier le vôtre ?

— Il ne s’agit pas de moi Monsieur, la position n’est pas égale : moi je ne puis plus vivre ou mourir que déshonorée ; mon mari ne peut exécuter impunément le crime qu’il médite, qu’en m’accusant d’un adultère qu’il aura puni par un assassinat commis sous la protection de la loi. Vous… vous avez une meilleure chance, votre mort ne vous déshonorera pas… ce ne sera pas pour vous une honte d’avoir été mon amant.

Luizzi ne répondit pas d’abord : tant les idées que sa position faisait naître en lui se heurtaient sans ordre dans sa tête !

— Vous ne me répondez pas, Monsieur ? dit la comtesse ; voulez-vous écrire ces lettres ?

— Non, dit Luizzi, je n’achèterai pas ma vie au prix de votre honneur.

— Dites plutôt du vôtre, reprit la comtesse en regardant Luizzi attentivement.

— Comme il vous plaira, Madame, repartit le baron : je n’achèterai pas ma vie au prix de mon honneur.

— Il faut donc mourir, dit madame de Cerny en baissant la tête, mourir innocente… innocente et déshonorée… ?

Le baron regarda alors la comtesse qui s’était jetée sur un siége,