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vertu et le respect plus tendre d’un saint amour, pour sentir qu’il n’est aucune femme au monde qui répande autour d’elle un si puissant enivrement, pour rêver que ce serait le plus ineffable des bonheurs que celui qui lui livrerait tant de beautés.

Pendant que Luizzi parlait ainsi d’une voix timide et émue, madame de Cerny avait baissé les yeux ; elle avait lentement relevé la tête, et s’était assise sur le divan où jusque-là elle était restée couchée. Une vive rougeur éclatait sur son visage, et ses aspirations oppressées attestaient que les paroles de Luizzi lui avaient donné une émotion que le baron dut prendre pour l’embarras et la honte que lui causait une pareille déclaration. Aussi s’écria-t-il rapidement :

— Je ne vous ai point offensée, Madame, j’ai répondu à une question générale par une vérité que j’ai peut-être eu le tort de particulariser, mais qui ne doit pas vous blesser. J’ai parlé de l’éclair involontaire d’une flamme que toute femme belle comme vous peut faire éclater, mais que vous seule pouvez rendre pure sans l’éteindre.

Madame de Cerny ne répondit point encore, mais elle avait l’air moins embarrassée et moins préoccupée. Luizzi ne voulut pas lui laisser de fâcheuses impressions, il reprit :

— Faudra-t-il que je vous accuse pour me défendre ? faudra-t-il que je vous fâche pour vous calmer ? faudra-t-il que je vous dise que c’est votre faute d’être à la fois si sainte et si charmante ?

— Non, non, reprit madame de Cerny en souriant, il est fort inutile de recommencer ; mais vous venez de m’apprendre une chose que je suis ravie de savoir, c’est qu’on peut dire poliment à une femme les choses les plus impertinentes.

— Oh ! Madame…

— Je ne vous en veux pas ; au contraire. C’est une science que je suis charmée de rencontrer en vous ; car enfin, Monsieur, nous n’avons pas encore abordé le sujet pour lequel vous êtes ici, nous sommes bien loin de l’explication que je vous ai demandée.

— Et quelle est cette explication ? dit Luizzi en jouant l’étonnement.

— « Je puis vous rassurer, m’avez-vous dit, sur les résultats des soins de M. de Cerny pour madame de Carin. » Veuillez m’apprendre comment vous pouvez me donner cette sécurité que vous-même m’avez offerte ?

— Pardonnez-moi de faire l’éloge de madame de Carin à côté de vous, Madame, reprit le baron, à qui il ne vint pas dans l’idée de répondre franchement ou impertinemment à cette femme ; mais j’engagerais mon honneur en garantie de l’innocence de l’infortunée Louise.

— Vous avez donc des preuves de cette innocence ?

— J’en ai la conviction.

— Rien de plus ?

— Rien de plus.

— Ce n’est pas là ce que vos paroles semblaient vouloir dire,