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vérité.

— Quelle vérité ?

— Il lui apprit comment l’amoureuse maladie qu’il avait gagnée en un instant et qu’il avait faite durant six mois, l’avait rendu…

— Impuissant, peut-être ?

— C’est toi qui l’as dit ! repartit le Diable. M. de Cerny est impuissant, voilà toute l’histoire de madame de Cerny !

— Impuissant ! répéta Luizzi en se tordant de rire.

— Mon soulier, je t’en prie !

— Impuissant !

— Mon soulier, vite mon soulier ! car te voilà à la porte de madame de Cerny.

— Impuissant ! dit encore le baron en se rappelant sa réponse à madame de Cerny : Je puis vous rassurer sur les résultats des soins de M. de Cerny pour madame de Carin ! et en riant de la traduction bien naturelle qu’elle avait dû donner à cette affirmation.

— Mon soulier ! mon soulier ! répétait le Diable.

— Impuissant ! impuissant ! répétait le baron. XXI

LE SOULIER DU DIABLE.

LA FEMME.

La voiture s’était arrêtée, et Luizzi riait si fort qu’il n’avait point obtempéré à la réclamation du Diable. Il avait gardé le soulier dans sa main ; il descendit en le tenant encore et en murmurant toujours, au milieu d’un rire étouffé, le mot fatal : Impuissant ! impuissant ! Il monta ainsi jusqu’à l’appartement de madame de Cerny et donna l’ordre à un domestique de l’annoncer. L’air réjoui de Luizzi parut sans doute fort singulier à ce domestique, car il examina le baron d’un air surpris et regarda à deux ou trois reprises ce qu’il tenait à la main. Armand, averti enfin, par cet air d’examen étonné, qu’il devait avoir quelque chose d’extraordinaire en lui, suivit le regard du domestique et s’aperçut seulement alors qu’il tenait à la main le soulier du Diable. Cela ne fit qu’accroître la disposition joyeuse où il se trouvait, et ce fut en riant plus fort qu’il dit au domestique d’annoncer le baron de Luizzi. Pendant que le valet entrait dans l’appartement, Armand, resté seul dans l’antichambre, regarda s’il ne verrait pas le Diable pour lui rendre son soulier. Ne l’apercevant pas, il se mit à examiner le soulier lui-même : ce soulier était charmant, étroit, gracieux, cambré, d’un cuir moelleux et luisant, doublé d’un satin rose brillant comme de l’émail, un de ces souliers destinés à être