Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome II.djvu/208

Cette page n’a pas encore été corrigée

de son mari non plus. Je te la dirai dans ta voiture, pendant que tu me conduiras au faubourg Saint-Germain, où j’ai une jeune dévote à visiter.

— Je croyais, dit Luizzi, que tu voyageais dans les airs.

— Quelquefois, mais ces enragés m’ont fait tellement boire que je m’égarerais à travers les cheminées.

— Eh ! parbleu, dit le baron, tu m’y fais penser, je ne sais où demeure la comtesse.

— Rue de Grenelle-Saint-Germain, n… ; je vais d’abord à côté de sa maison, puis au ministère de l’intérieur.

— Tu vas faire de la politique ?

— Oui, j’ai à m’occuper de l’élection de N…

— Où je me porte candidat.

— Je ne te croyais pas décidé.

— Je le suis, si tu veux répondre à une question.

— Laquelle ?

— Le récit de madame de Carin est-il vrai ?

— Exactement, vrai.

— Monsieur de Cerny n’a pas été son amant ?

— Non, certes.

— Je puis l’affirmer à sa femme ?

— Elle en est aussi sûre que toi.

— Aussi sûre que moi ? Que peut-elle alors me vouloir ?

— Je puis te dire ce qu’elle peut te vouloir, pour parler ton français ; elle veut savoir de toi comment tu sais que M. de Cerny n’a pas été l’amant de madame de Carin.

— Il suffira de mon affirmation pour la convaincre ?

— C’est probable, puisqu’elle en est déjà convaincue, fit le Diable en riant ; mais cela ne lui expliquera pas comment tu en es toi-même si certain.

— Faut-il lui raconter que j’ai lu le manuscrit de Louise ?

— Ce serait le moyen le plus simple et le plus raisonnable ; mais ce serait aussi celui de n’avoir auprès d’elle aucune chance de succès.

— Il y en a donc un autre ?

— Il est neuf heures et demie, montons en voiture.

— Tu veux encore me tromper ? dit Luizzi, en sonnant pour qu’on fît avancer son coupé qu’il avait commandé depuis longtemps.

— Non, je te jure sincèrement que tu sauras sur le compte de madame de Cerny tout ce qu’on peut et tout ce que tu dois en savoir.

Un moment après, ils étaient en voiture et roulaient vers le faubourg Saint-Germain.

— Maintenant, dit Luizzi, tu vas me raconter, s’il te plaît, l’histoire de madame de Cerny.

— La voici, reprit le Diable. XX

HISTOIRE DE MADAME DE CERNY.

Et le Diable reprit en s’accotant au coin de la voiture :

— Imagine-toi que je vais chez une petite femme qui est assurément une exception par le temps qui court. Elle est jolie, gracieuse,