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talisman ; mais il ne rendit aucun son, et à l’instant même son bras fut saisi d’une rigidité invincible, son corps se courba en arrière comme un arc qu’aucune force humaine n’eût pu détendre, ses mâchoires se serrèrent à briser ses dents. Il comprit qu’il était atteint de cette terrible maladie qu’on appelle le tétanos, résultat assez fréquent des blessures qui ont déchiré des muscles. Il lui fut impossible de faire un mouvement pour ébranler sa sonnette, de pousser une plainte pour appeler, et presque aussitôt il lui sembla qu’on lui assénait un coup terrible sur la tête. Il ferma les yeux et il vit… XVII

TÉTANOS.

Il vit une lumière telle que jamais ses yeux n’avaient subi un si éblouissant éclat. Elle était si intense, si pénétrante, qu’elle traversait les corps opaques comme une lumière ordinaire qui glisse à travers le cristal ; elle était si fulgurante qu’elle dessinait sur les murs l’ombre de la flamme des bougies allumées. Ce n’était pas ce prestige qui avait écarté devant le baron les murs, la distance, l’obscurité, les corps intermédiaires qui l’auraient empêché de voir Henriette Buré dans son horrible cachot ; c’était une transparence qui laissait voir les objets eux-mêmes, quoique l’on vît au delà d’eux ; c’était, pour tout ce qui se présentait à lui, l’effet de la vitre qui ne cache rien, et qu’on aperçoit cependant ; c’était un spectacle inouï, éblouissant, où tout rayonnait et était pénétré de lumière. Ainsi Luizzi crut voir au delà de sa chambre son salon vide et meublé comme il l’était ; au delà du salon, sa salle à manger avec tout ce qui l’occupait, puis l’antichambre où Pierre dormait sur une banquette. Au-dessus de sa tête il lui sembla voir, à travers le plafond, l’appartement de sa sœur ; il en reconnut de même chaque pièce, et suivit cette étrange inspection avec une curiosité ravie. Il cherchait avec soin s’il se trouvait quelque meuble qui lui échappât ; il fixait son attention sur les meubles mêmes, et découvrait dans leur intérieur les plus petits objets. Il plongea pour ainsi dire son regard de chambre en chambre, les parcourant dans tous leurs détails d’ornement, car elles étaient inhabitées, et il s’émerveillait à cet étrange spectacle qu’il eût voulu voir plus animé, lorsqu’il reconnut la chambre de Juliette. Elle y était, et Henri s’y promenait à grands pas. Juliette lui parlait