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— Vous avez raison, dit Luizzi. Gustave, soyez assez bon pour faire tout préparer.

Gustave quitta la chambre, mais Henri resta ; et sa présence, silencieuse jusque-là, rappela à Luizzi le mot de Barnet. Le baron, alarmé malgré lui de cette exclamation du notaire, dit cependant, au lieutenant d’un ton qu’il s’efforça de rendre amical :

— Dois-je vous appeler mon frère, Monsieur ? La cérémonie est-elle terminée ?

— Oui, mon frère, mon frère ! répondit Henri d’un accent vivement ému et en tendant la main au baron.

Luizzi remarqua que Barnet examinait Henri et qu’il fit un petit mouvement d’approbation à la réponse du lieutenant. Bientôt tout fut en mouvement pour le départ de Luizzi ; et, tandis que chacun s’empressait, le baron fit un signe à Barnet et lui dit tout bas :

— Que signifie ce mot : Je suis arrivé trop tard ?

— Rien, rien, cela avait rapport à d’autres projets… Je vous aurais peut-être proposé un autre parti…

— Croyez-vous qu’Henri ne soit pas un homme d’honneur ?

— Je ne dis pas cela ; mais il n’est pas riche, et peut-être…

— Est-ce que vous auriez pensé à M. le marquis de Bridely ?

— Mais il a soixante bonnes mille livres de rentes, reprit Barnet d’un air joyeux, comme s’il eût saisi avec plaisir l’occasion qui lui était offerte d’expliquer ainsi ses paroles.

— Que ne m’avez-vous écrit, dit Luizzi, qui gardait toujours de la défiance dans le fond de son cœur.

— Ah ! dame ! c’est que… c’est que… fit Barnet en hésitant, c’est que le marquis n’avait pas gagné son procès, ajouta-t-il rapidement, comme si cette bonne raison lui était survenue tout d’un coup.

Tout était prêt pour la translation du baron. Il descendit d’un pas assez ferme l’escalier ; mais, une fois en voiture, le mouvement l’étourdit tellement qu’il fut plusieurs fois sur le point de perdre connaissance. Enfin il arriva chez lui, et ce ne fut pas sans un certain sentiment d’effroi qu’il se retrouva malade dans ce lit où il avait été sur le point de périr entre les mains de ses domestiques. Cependant les soins de sa sœur et de Barnet le rassuraient ; mais, malgré lui et par un sentiment tout nouveau, il ne comptait pas la présence d’Henri parmi ses motifs de sécurité. Cette idée le tourmenta tellement pendant le cours de la journée, que le soir une fièvre violente s’était déclarée, et, lorsque le médecin revint, il ne parut pas content de l’état des blessures.

— Il faut, dit-il, un repos absolu de corps et d’esprit, monsieur le baron ; sans cela les accidents peuvent être graves.

— Je passerai la nuit près de mon frère, dit Caroline.

Gustave fit une grimace assez comique en regardant Henri, qui reprit :