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porte qui s’ouvrait et par celui d’une pendule qui sonnait midi. La personne qui ouvrait la porte n’était autre que M. Barnet. Le baron lui fit signe d’approcher, et le notaire s’écria :

— Eh ! que viens-je d’apprendre ? Vous avez été blessé dans un duel !

— Ce n’est rien, ce n’est rien, répondit le baron, étonné de sa faiblesse et de la vive douleur que lui causaient les deux blessures qu’il croyait si légères.

— C’est trop, repartit Barnet, pour un homme dont les affaires réclament la présence immédiate. Savez-vous que vous avez failli être ruiné par un vieux coquin appelé Rigot ?

— Oui, oui, fit Luizzi ; mais il a perdu sa cause.

— En première instance, oui ; mais il en a appelé. En votre absence, j’ai traîné le procès d’incidents en incidents ; mais vous êtes jugé décidément le mois prochain, et il faut aviser à tous nos moyens de défense.

Le baron se rappela en ce moment que le Diable lui avait dit que sa fortune lui avait été rendue, et certes, s’il eût été seul, il l’eût appelé pour lui faire une querelle. Mais Barnet reprit presque aussitôt :

— Comme ce n’est pas l’instant de vous parler d’affaires fort embrouillées, dites-moi pourquoi vous ne vous êtes pas fait transporter à votre hôtel, où je ne m’étonne plus de ne pas vous avoir rencontré.

— Si vous avez été chez moi, vous avez dû le deviner, car vous avez vu Caroline, sans doute ?

— Pas le moins du monde, repartit Barnet d’un ton aigre ; elle m’a fait répondre par une grande fille, assez impertinente, qu’elle n’était pas visible.

— Excusez-la, dit Luizzi : le jour d’un mariage, une femme a tant à faire !

— Quoi ! s’écria Barnet avec éclat, elle se marie ?

— À l’heure qu’il est, dit Luizzi en jetant les yeux sur la pendule, ce doit être une affaire faite.

— Et vous l’avez mariée à M. Henri Donezau ? s’écria encore Barnet, en accentuant chaque syllabe avec étonnement et colère.

— Oui vraiment, répondit Luizzi.

— Ah ! mon Dieu ! je suis arrivé trop tard.

— Qu’est-ce donc ? s’écria Luizzi en sel levant sur son séant. Ce M. Donezau m’aurait-il trompé ?… Il est peut-être temps encore…

Gustave ouvrit la porte et entra, suivi de Henri et de Caroline, qui se précipita avec des cris sur le lit de son frère.

— Ce n’est rien, ma bonne sœur, moins que rien… calmez-vous… dit Luizzi.

— Vous m’aviez promis d’être courageuse, dit Gustave, ne vous effrayez pas ainsi. Songez que le médecin a déclaré qu’une émotion un peu vive serait dangereuse pour le baron, et que vous pouvez le rendre plus malade qu’il ne l’est véritablement.

— Je me tais, je me tais, répondit Caroline en essuyant ses larmes ; mais il ne peut rester ici, il faut qu’il rentre à l’hôtel…