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aux pauvres esprits qui en font métier.

— Très-joli ! dit Mareuilles, continuons la partie.

Mais au même instant le baron lui porta un si terrible coup d’épée que Mareuilles eut l’épaule percée.

— Voilà un maître atout ! s’écria Gustave en voyant tomber Cosmes, nous ferons la levée du corps.

Presque aussitôt Luizzi, dont le sang coulait abondamment de ses deux blessures, et que la colère avait seule soutenu, fut pris d’une défaillance et tomba auprès de son adversaire. À côté de ces deux hommes évanouis, les témoins n’eurent d’autre pensée que de les secourir. Luizzi revint le premier à lui, et, s’étant assuré que M. de Mareuilles respirait encore, il quitta le terrain et regagna sa voiture.

— Voulez-vous rentrer chez vous ? lui dit Gustave.

— Non, ma sœur s’alarmerait ; ce serait un trouble, un événement. Elle voudrait remettre la cérémonie, et je vous assure que je n’ai nulle envie de recommencer les démarches ennuyeuses auxquelles j’ai été condamné. Ces blessures ne sont rien, elles ont frappé dans les chairs du bras.

— Oui, dit Gustave, mais elles sont bien près du poignet ; en pareil cas le tétanos est à craindre. Il ne faut pas jouer avec les coups d’épée.

— Ne pouvez-vous me conduire chez vous ?

— Avec plaisir, dit Gustave, quoique je ne sois que dans un hôtel garni ; mais nous y trouverons Barnet qui loge à côté de chez moi, et je vous confierai à lui pendant que j’irai prévenir votre sœur.

— Voilà qui est à merveille, dit Luizzi.

Ils arrivèrent une heure après rue du Helder. Barnet était absent.

On envoya chercher un médecin, qui saigna le baron en lui recommandant un absolu repos. Il était près de dix heures.

— Courez chez moi, dit Luizzi à Gustave, et dites à ma sœur que ma volonté expresse est qu’elle se marie malgré mon absence et que je serai de retour vers deux heures ; alors vous préviendrez Henri et je me ferai transporter chez moi.

— Cela n’est pas prudent, dit le médecin.

— Nous verrons, repartit Luizzi. En tous les cas, faites dire dans la maison qu’on m’envoie M. Barnet dès qu’il rentrera.

Gustave fit ce que voulait Luizzi et partit.

La perte de sang que le baron avait éprouvée par ses blessures et la saignée que l’on avait pratiquée l’avaient rendu excessivement faible.

Dès que le soin de toutes ces mesures à prendre ne l’occupa plus, il tomba dans un accablement qui touchait au sommeil ; il n’en calcula pas la durée, mais il en fut tiré par le bruit de sa