Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome II.djvu/181

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cosmes, qui savait à peu près les précédents de madame de Marignon, pâlit à cette apostrophe de Gustave et s’écria avec rage :

— Misérable !

— Allons, allons ! lui dit Gustave, ne vous emportez pas ainsi, mon petit monsieur de Mareuilles. J’arrive de la Bretagne, où l’on m’a parlé de vous.

Cosmes se troubla visiblement et dit à l’un de ses témoins, jeune homme d’une charmante figure d’enfant, pâle et douce :

— Allons, du Berg, finissons-en !

— Oh ! fit Luizzi en ricanant, c’est là M. du Berg ? Je suis charmé de voir M. du Berg ; il aurait manqué à ce duel.

— Que voulez-vous dire ? reprit le jeune homme avec une voix flûtée.

— Voyons, Messieurs, nous ne sommes pas ici pour des reconnaissances, dit Cosmes ; où sont les épées ?

— Les voici, dit le second témoin de Luizzi.

Le terrain sur lequel on était ne fut pas jugé convenable, et il fallut s’enfoncer dans le bois pour en trouver un autre. Après une grande demi-heure de marche, on trouva un endroit uni et découvert.

On remit les épées aux deux ennemis, et ils s’attaquèrent avec une franchise qui prouvait que tous deux avaient le courage complet de leur action, et en même temps ils montrèrent une adresse et une précaution qui faisait voir que chacun ne défendait pas sa personne avec moins d’intérêt qu’il n’en mettait à atteindre celle de son adversaire. Cependant Cosmes, emporté par l’irritation qu’avaient fait naître en lui les paroles de Luizzi et de Gustave, mit plus de violence dans son attaque, et bientôt Luizzi rompit devant lui. Après quelques bottes, Mareuilles s’arrêta.

— Vous êtes blessé ? dit-il à Luizzi.

— Je ne m’en aperçois pas ! reprit Armand en attaquant Mareuilles, qui le fit rompre de nouveau jusqu’à ce que le baron fût acculé jusque près d’un petit champ planté de luzerne.

Cosmes s’arrêta encore et dit d’un air de mépris :

— Je veux bien vous tuer, mais je ne peux pas vous faucher. Quittons ce jeu, je n’aime pas le trèfle, ajouta-t-il en ricanant.

— Vous faites de charmants calembours, reprit le baron du même ton de plaisanterie. Et, poussant une botte à Cosmes : Voyons donc ! ajouta-t-il, qui de nous deux restera sur le carreau.

— Charmant ! dit Mareuilles en parant légèrement et en rompant à son tour devant l’attaque impétueuse du baron. Qui s’y frotte s’y pique, ajouta-t-il presque aussitôt ; car il venait de blesser de nouveau le baron au bras.

— Allons donc jusqu’à ce que le cœur me manque, repartit Luizzi, jouant comme son adversaire avec les mots ; tous deux se jetant, à travers le grincement de leurs épées et de leur rire furieux, des calembours qu’à tout autre moment ils auraient laissés