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Gustave et les intéressés étaient seuls présents, Luizzi ayant voulu éviter à sa sœur le déplaisir d’entendre dire d’elle ces mots douloureux : « père et mère inconnus, » par d’autres que par ceux qui savaient déjà cette circonstance. Henri, à qui Luizzi avait remis la somme qui était reconnue lui appartenir par le contrat, donna également un portefeuille contenant la dot de sa sœur, attendu que, selon la coutume, le contrat emportait quittance. Henri s’étonna d’une pareille précaution et en témoigna son embarras à Luizzi.

— Les affaires doivent être faites régulièrement, dit le baron en souriant gracieusement ; j’ai des raisons dont je vous ferai part demain, je l’espère du moins, et qui m’obligent à agir avec cette rigueur.

Juliette, Gustave et Henri se regardèrent furtivement, et le reste de la soirée, déjà fort avancée, se passa sans que le baron, trop préoccupé du duel qui l’attendait le lendemain, prît garde à la tristesse inquiète, mais silencieuse, qui s’était emparée de Caroline.

Le lendemain venu, ses témoins étaient chez lui à six heures et demie du matin. Luizzi remit à Gustave la lettre qui devait prévenir Henri de son absence en cas de malheur, et tous les trois partirent pour le bois de Vincennes. Entre gens qui sont très-décidés à se battre, les préliminaires d’un duel ne sont pas longs. Cependant celui-ci amena des explications qui le retardèrent pendant quelque temps.

— Je croyais, dit M. de Mareuilles avec sa fatuité ordinaire, que monsieur le baron de Luizzi, qui vient sans doute ici pour réhabiliter son honneur, se serait fait accompagner par des témoins honorables… Je ne parle du reste que pour un seul, reprit-il en saluant le second témoin de Luizzi.

Gustave voulut prendre la parole ; mais Luizzi le prévint, et repartit avec une hauteur qui calma l’extrême confiance de M. de Mareuilles :

— Il faudrait d’abord que je fusse venu ici afin de réhabiliter mon honneur, Monsieur, pour que le choix de mes témoins, quel qu’il fût, mais que je tiens pour honorable, pût vous paraître extraordinaire ; mais j’y suis venu pour corriger la fatuité d’un sot et l’insolence d’un manant, c’est ce dont il faut que vous soyez bien persuadé.

— Et je continuerai la leçon, Monsieur ! reprit Gustave. Et moi, marquis de Bridely, je vous ferai l’honneur de me battre avec vous, monsieur de Mareuilles, gendre de madame Olivia de Marignon, fille de la Béru, tenant jadis maison publique de jeux et de femmes galantes !