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— Vous pensez que je ne dois pas en être très-curieux.

— Je le pense. Vous aviez un secret à moi ; j’ai voulu en avoir un à vous, et je l’ai gardé.

Luizzi réfléchit encore et dit :

— J’accepte votre proposition, mais à une condition, c’est que je me battrai le premier contre M. de Mareuilles.

— C’est votre droit.

— Maintenant il me faut un autre témoin.

— Que ne prenez-vous M. Henri Donezau ? C’est lui, il me semble, que j’ai vu dans votre salon.

— Vous le connaissez, dit Luizzi ? Ah ! je comprends, reprit-il ; vous l’avez vu sans doute à Toulouse quand vous étiez avec Ganguernet ?

— Précisément, fit Gustave.

— Je ne le puis, reprit le baron, il épouse demain ma sœur.

— Votre sœur ! s’écria le marquis avec un étonnement que le baron traduisit ainsi :

— Ma sœur, oui, mon cher Monsieur, ma sœur, la fille de mon père comme vous êtes le fils de Ganguernet.

— Et vous la donnez à Henri ? reprit Gustave avec surprise. Au fait, ajouta-t-il d’un air suffisant, dans sa position, n’ayant pas de nom, pas de famille…

— Il n’y a pas des pères marquis à revendre ! dit Luizzi, choqué du ton d’impertinence de Gustave.

Celui-ci se laissa aller à rire, et dit avec une fatuité superbe :

— N’est-ce pas que je joue bien mon rôle ?

— Vous pourriez vous en dispenser avec moi, repartit le baron. Mais nous avons autre chose à faire. Je vais aller chez un ami. Il faut que ma sœur et Henri ignorent ce qui va se passer. Veuillez entrer un moment au salon ; puisque vous connaissez Henri, vous devez avoir à lui expliquer votre position.

— Oh ! j’ai pour cela un admirable conte d’enfant perdu.

— C’est bien. Dites-leur que la lettre de M. Barnet m’a forcé de sortir sur-le-champ. Vous recevrez les témoins de M. de Mareuilles ; prenez le rendez-vous pour demain, à sept heures. Le mariage se fait à dix heures à la mairie et à onze heures à l’église : le tout à huis clos, autant que possible. Si je suis le plus heureux, nous serons de retour avant dix heures ; sinon, vous remettrez une lettre à ma sœur qui excusera mon absence, et on fera la cérémonie sans moi.

— Voilà qui est entendu, dit le marquis.

Luizzi répondit un mot à Cosmes et sortit. Aussitôt Gustave rentra dans le salon. Henri s’empara de lui sous prétexte de visiter le nouvel appartement que lui avait fait préparer le baron ; Caroline et Juliette restèrent seules.

Tout se passa comme Luizzi l’avait arrangé : les témoins de M. de Mareuilles vinrent prendre l’heure, et tout fut convenu pour le lendemain au matin.

Lorsque le baron rentra, son notaire était déjà arrivé, et l’heure de la lecture du contrat était passée depuis longtemps. Juliette,