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explication à ce sujet. Veuillez me suivre.

— Me voici, me voici ! dit Gustave, que les grands airs du baron n’avaient point du tout déconcerté.

Ils passèrent dans le boudoir où venait d’avoir lieu la scène entre Juliette et Luizzi, et Gustave dit au baron en le toisant assez impertinemment :

— Qu’y a-t-il, monsieur le baron ?

— Il y a, Monsieur, dit Luizzi, que vous êtes…

Il s’arrêta, puis reprit :

— Je répugne à me servir de certaines expressions ; mais vous les trouverez écrites dans ce billet dont je partage tous les sentiments.

Gustave le prit, et lut ce qui suit :

« Monsieur,

« J’ai présenté sans le savoir un intrigant et un homme sans honneur chez madame de Marignon. Cet homme sans honneur et cet intrigant, c’est vous ; elle m’a pardonné l’erreur où je suis tombé. Vous lui avez présenté, EN LE SACHANT, un autre intrigant de votre sorte. Cet homme est un prétendu marquis de Bridely : ceci, je ne le pardonne pas. Si, comme le bruit en a couru, vous êtes fou, je vous enverrai mon médecin. Si vous avez votre raison, je vous enverrai dans une heure mes témoins.

« COSMES DE MAREULLES. »

Le marquis garda un moment le silence, pendant que le baron fixait sur lui un regard irrité. Enfin le jeune Elléviou rendit le billet à Luizzi, et lui dit en ricanant :

— Vous partagez tous les sentiments de ce billet ?

— Oui, Monsieur ! repartit le baron, emporté par sa colère.

— En ce qui vous concerne comme en ce qui me regarde ? fit Gustave en se dandinant.

— Monsieur, s’écria le baron à qui son emportement avait fait oublier combien la lettre de M. de Mareuilles était outrageante pour lui-même ; Monsieur, tant d’insolence mérite une correction.

— Ce sont deux duels que vous voulez au lieu d’un, monsieur le baron ? reprit Gustave avec sang-froid ; comme il vous plaira. Je suis du reste d’assez bonne composition, et je passerai le premier ou le second, selon votre bon plaisir.

— Je ne me bats pas avec des gens de votre sorte, dit le baron avec mépris, je les chasse.

Gustave pâlit de colère, mais il se contint, et repartit :

— Un moment, s’il vous plaît ! Vous vous battrez, monsieur le baron ; car, puisque nous sommes seuls, nous pouvons nous parler à cœur ouvert. Vous saviez très-bien qui j’étais lorsque vous