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XVI

CONSÉQUENCES D’UNE PLAISANTERIE.

Presque au même instant quelques personnes arrivèrent, et Luizzi ne fut pas médiocrement étonné d’entendre annoncer entre autres M. le marquis de Bridely. Au moment où le baron allait le saluer avec une froideur qui devait avertir l’ex-Elléviou du peu de plaisir que sa visite causait à son hôte, le valet de chambre d’Armand lui remit une lettre fort pressée dont on attendait la réponse. Luizzi la prit, et à l’instant même le marquis lui tendit un billet, en lui disant d’un air charmé de son à-propos :


… C’est encore une lettre,

Qu’entre vos mains, Monsieur, on m’a dit de remettre.


Luizzi, pressé qu’il était de se débarrasser de la présence de ce monsieur, la reçut froidement et l’ouvrit la première. Après l’avoir lue, il dit tout haut :

— Ah ! M. Barnet est ici ?

Si Luizzi n’eût pas été dans un coin du salon avec M. Gustave, il eût remarqué l’effet singulier que produisit cette nouvelle sur ceux qui l’entendirent. Juliette et Henri échangèrent un regard rapide et tremblant, mais le marquis s’était hâté de répondre :

— Nous sommes arrivés il y a une heure, et je me suis hâté d’accourir. Mais le billet de M. Barnet n’est pas le seul que vous ayez reçu… Je vous laisse à votre correspondance.

Aussitôt le beau Gustave s’avança avec une aisance qui avait plus que de la fatuité d’opéra-comique vers les personnes restées à l’autre coin du salon. Cette fois il fallut que l’attention du baron fût bien occupée par la lecture de la lettre que Pierre lui avait remise pour qu’il n’entendît pas l’exclamation de Gustave à l’aspect de Juliette et de Henri. Caroline la remarqua ; mais Henri s’étant approché rapidement de Gustave, l’entraîna à l’autre coin du salon et lui dit quelques mots. Gustave n’avait pas eu le temps de répondre, que Luizzi, se tournant de son côté, lui dit d’un ton plus qu’impertinent :

— Cette lettre vous concerne, Monsieur.

— Moi ? fit Gustave d’un air très-peu respectueux.

— Vous, répliqua Luizzi avec un accent de colère méprisante, et j’ai besoin d’avoir avec vous une