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— Eh bien ! Monsieur, voyons ce présent secret que vous destinez à notre Caroline.

— À vrai dire, répondit le baron, le présent n’en vaut pas la peine ; c’est un service d’argenterie pour la maison de nos jeunes époux, et le véritable présent que je crois leur avoir fait, c’est le tête-à-tête où nous les avons laissés. Ils pourront enfin se parler d’amour selon leur cœur.

Luizzi avait conduit Juliette dans un petit boudoir qui faisait partie de son appartement, et il lui offrit un siége ; mais elle ne l’accepta pas et répéta d’un air distrait les derniers mots de Luizzi.

— Se parler d’amour selon leur cœur, dit-elle.

— Pensez-vous qu’il y ait une meilleure occupation pour des amants qui ne se sont pas vus depuis si longtemps ?

Juliette ne répondit pas d’abord. Elle semblait préoccupée d’une pensée inquiète, enfin elle dit :

— C’est ce soir qu’on signe le contrat, n’est-ce pas ? et c’est demain qu’ils se marient ? il faut les laisser à leurs amours.

Après ces paroles, Juliette parut revenir à elle-même ; elle s’assit sur le divan qui occupait le fond du boudoir, et, se penchant en arrière sur les coussins, elle y appuya sa tête de manière à regarder le plafond. Dans cette posture elle profilait admirablement la ligne onduleuse de son corps si souple et si élancé ; sa robe, appuyée sur sa hanche, en marquait le contour saillant et accusé, tandis que, se trouvant légèrement relevée par cette traction du corps, elle découvrait la naissance d’une jambe menue, coquette, hardie. Jamais Luizzi n’avait vu Juliette dans un pareil abandon de sa personne, et le charme provocateur qui s’évaporait de cette femme se joignant à l’attrait de cette pose voluptueuse, il se sentit pris d’un ardent désir de la posséder. Il se souvint en cet instant de l’aventure de la diligence, de la défaite de madame Buré, surtout de ce moment de délire qui lui avait livré la marquise du Val, et il espéra pouvoir remporter une victoire non moins rapide. Il s’assit à côté de Juliette, et, reprenant les dernières paroles qu’elle avait prononcées, il lui dit :

— Ils parlent de leur amour, ils sont heureux.

Juliette répondit avec un sourire presque dédaigneux, et les yeux toujours fixés au plafond :

— Qu’ils le soient.

— Et ce bonheur, dit le baron, vous ne l’enviez pas ?

Juliette se releva tout à coup et jeta sur le baron un regard plein de surprise. Il s’arrêta d’abord sur celui d’Armand, tout vibrant de désir. Un nouvel étonnement se montra sur le visage de la jeune fille, et ses yeux, un moment fixés sur ceux du baron,