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Luizzi. Par un accident trop long à vous expliquer, j’ai été arrêté par des chouans, dépouillé et volé, et je me trouve ici…

— Sans argent, dit Barnet. Diable ! c’est embarrassant ; moi-même je n’ai pris que juste ce qu’il me fallait pour mon voyage, car je savais que j’aurais à traverser un pays en pleine guerre civile. Voici donc tout ce que je puis pour vous : c’est une lettre de change sur un négociant de Rennes. Vous devez facilement trouver à la faire escompter, à moins que vous ne préfériez que je vous en envoie les fonds. Vous les aurez demain à midi au plus tard.

— J’aime mieux cela, dit Luizzi, qui pour de bonnes raisons ne se souciait pas d’aller chez un banquier où l’on aurait pu lui demander un passe-port répondant de son identité.

Luizzi et Barnet se séparèrent, et le baron dit sa rencontre à sa sœur. Celle-ci n’avait point de si bonnes nouvelles. L’une des sœurs du couvent, ayant appris ce qui s’était passé chez Jacques et ne voyant pas Caroline rentrer, était venue pour la questionner à ce sujet. Irritée de la nouvelle résolution de Caroline, elle la menaça de la dénoncer aux autorités, et, bien qu’elle n’eût aucun droit, cette menace épouvanta la jeune fille. Luizzi en fut encore plus troublé, car, s’il lui fallait paraître devant un magistrat quelconque, il n’avait aucun moyen de justifier ou ce qu’il était ou les droits qu’il pouvait avoir sur la jeune religieuse. Il se décida donc à quitter Vitré dès qu’il le pourrait. À peine avait-il pris ce parti, qu’il reçut un billet d’Henri qui lui écrivait pour lui dire que la fièvre venait de le reprendre et qu’il lui était impossible d’aller demander son pardon à Caroline. Luizzi se rendit en hâte auprès du lieutenant, qu’il trouva véritablement alité. Il fut convenu entre eux que Luizzi partirait immédiatement pour Paris, que pendant son séjour il obtiendrait la permission du ministre de la guerre, ferait publier les bans, et qu’aussitôt sa blessure guérie, Henri les rejoindrait. Tout cela réussit à merveille, du moins quant aux projets de départ de Luizzi. Le lendemain il reçut l’argent promis par Barnet, et trois jours après il était à Paris.

Aussitôt après son arrivée, toutes les journées de Luizzi furent occupées à enseigner à Caroline le monde extérieur où elle allait entrer. Ce furent des acquisitions nombreuses de meubles, d’étoffes, de robes, de parures ; ce furent des spectacles où il rencontra beaucoup de ses anciens amis, qui l’accueillirent comme un homme revenu d’un voyage en Italie ou en Angleterre, et qui ne s’enquirent point du motif de son absence. Il en présenta quelques-uns à sa sœur, et en peu de jours la loge de Luizzi à l’Opéra devint le rendez-vous des plus élégants qui demandaient la faveur de venir offrir leurs hommages à la belle Caroline de Luizzi. Tout