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rien à faire ici. Adieu.

— Je ne voudrais pas vous abandonner au milieu de cette affliction, dit Caroline.

Jacques ne répondit pas ; mais ses sourcils se froncèrent légèrement, et il montra à la religieuse la porte de la maison d’un geste impératif. Elle sortit, accompagnée de son frère. XIV

CONCLUSION SELON LUIZZI.

À peine Luizzi et Caroline furent-ils éloignés de cette scène de désolation, que le baron raconta à sa sœur son entrevue avec Henri ! Mais il la lui raconta en homme qui veut arriver au but qu’il s’est proposé ; c’est-à-dire qu’il passa sous silence les singulières réponses du lieutenant au moment où il l’avait abordé. Il ne dit point non plus à sa sœur l’air stupéfait et réservé du jeune homme ; il lui inventa un étonnement et une joie qui firent doucement rougir Caroline. Cependant, comme elle insistait pour savoir quelles avaient été les calomnies qui avaient déterminé son amant à lui rendre si brutalement ses lettres, Luizzi, qui ne voulait pas avouer combien il avait été léger dans son explication avec Henri, ne trouva rien de mieux que de rejeter toute la faute sur une personne dont la nature acceptait volontiers la responsabilité de tous les mauvais propos, et dont l’éloignement ne permettait pas à Caroline de s’informer exactement de la vérité. Madame Barnet, la notairesse aux manières si acariâtres, au parler si aigre, dont l’aiguille s’occupait sans cesse à réparer les trous des bas de son mari, et la langue à faire des brèches à la réputation des autres, madame Barnet devint l’éditeur responsable des calomnies qui avaient dû dicter la conduite d’Henri. Caroline se laissa facilement persuader par son frère. Tous deux concertèrent les mesures à prendre pour qu’elle quittât la maison succursale des religieuses où elle se trouvait. Pour éviter des contestations qui pourraient être fort longues, Luizzi décida qu’elle n’y rentrerait point, et qu’ils se rendraient sur-le-champ à Laval. Un obstacle cependant les arrêtait l’un et l’autre : c’était le manque absolu d’argent. Luizzi pensa qu’il serait très-facile à Henri de lever cette difficulté. Il se rendit à pied à Vitré avec sa-sœur, demanda un logement dans l’auberge la moins misérable de la ville, et y laissa Caroline pour aller voir le lieutenant. Il le trouva levé, malgré sa blessure, et écrivant.