Mais ce qui maintenant doit nous occuper, c’est de trouver les moyens de vous délivrer. Laissez-moi me charger de cette négociation, ajouta le baron d’un air ravi de sa supériorité ; je ferai entendre raison à ces gens-là.
— Essayez, dit Henri ; mais soyez assez bon pour me confier cette correspondance.
— Vous y retrouverez tout à fait votre cœur, repartit Luizzi d’un ton charmant.
Et il remit le paquet de lettres à Henri, qui se prit à les lire avec une attention qui fit sourire Luizzi. Aussitôt le baron s’avança vers Bertrand.
— Enfin c’est fini, lui dit le chouan. Bruno vient de m’expliquer l’affaire ; il paraît que la religieuse est votre propre sœur. Tant mieux pour vous, car c’est une sainte femme. Puisque vous n’avez plus rien à faire ici, partez : le plus tôt sera le mieux.
— C’est que je ne puis partir seul, car Bruno ne vous a pas tout dit. Je suis le frère de la sœur Angélique, comme vous l’appelez ; mais cet officier était son fiancé depuis longtemps ; des malheurs les ont séparés, et aujourd’hui qu’ils se sont retrouvés, je veux assurer leur bonheur en les mariant.
— Marier une religieuse ! dit un des chouans.
— Elle n’a pas prononcé ses vœux, repartit Luizzi.
Un sourd murmure courut parmi tous ces hommes.
— Taisez-vous, cria Bertrand, ça n’est pas notre affaire ! et pour vous le prouver, Monsieur, dit-il à Luizzi, je vous dirai tout bonnement que l’officier et la religieuse pourront se marier tant qu’ils voudront quand on nous aura remis Georges en échange de notre prisonnier.
— Vous ne voulez donc pas me le rendre ?
Bertrand regarda Luizzi d’un air tout ébahi.
— Et pourquoi voulez-vous que je vous le rende ?
— Il y va de l’honneur d’une femme, du bonheur de celle que vous appelez une sainte.
— Jolie sainte, dit Bertrand, qui a des galants dans la Ligne !
— Vous oubliez à qui vous parlez ! dit Luizzi.
— Vous oubliez vous-même ! s’écria Bertrand en s’avançant vers le baron, la crosse de son fusil en l’air. Est-ce que je vous connais, moi ? Je vous ai laissé approcher quand j’aurais pu vous faire dévaler à coups de fusil, je vous ai permis de parler à cet officier parce que le père Bruno vous accompagnait et que j’ai causé un malheur à son fils ; mais est-ce que je vous dois quelque chose, à vous ? Décampez donc, je vous le conseille ; éloignez-vous pendant que j’ai encore la bonne volonté de vous laisser partir, et ne me fatiguez pas de vos airs de monsieur de Paris, entendez-vous ?
Probablement Luizzi allait faire quelque sotte réplique, lorsque Bruno prit la parole.
— Voyons, Bertrand, ne sois pas méchant ; il a raison, ce monsieur.