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ou d’une adresse effrayante ; ou ce monsieur ne devine rien, ou il veut absolument qu’on lui dise tout. Voyons ce qu’aura dit ma pauvre sœur.

DE CAROLINE À HENRI.

« Henri, sauvez-moi donc ! »

DE HENRI À CAROLINE.

« Vous m’aimez ! c’est moi ! Tu m’aimes, Caroline !… Oh ! laisse-moi me mettre à tes genoux… laisse-moi te remercier et t’adorer. Oh ! je voudrais vous dire ce que j’ai souffert de bonheur à ce mot qui m’a brûlé et anéanti ; j’ai fermé les yeux, j’ai chancelé, j’ai cru mourir… Puis je suis tombé à genoux en vous appelant de toute ma force : Caroline, Caroline ! Oh ! vous qui vous êtes confiée à moi, vous serez heureuse, je vous le jure… Vous serez heureuse pour que je vive ; car votre félicité sera l’âme de ma vie, elle sera le cœur de mon cœur qui cessera de battre devant une de vos larmes. Aujourd’hui je ne puis vous en dire davantage… Je m’égarerais… À ce moment je pleure… je tremble… je doute… j’ai peur d’être fou… Est-ce vrai que vous m’aimez ? »

DE CAROLINE À HENRI.

« Oui, Henri, je vous aime, je vous aime parce que vous avez pris en pitié la pauvre fille isolée et triste, je vous aime pour la noble bonté de votre âme ; je vous aime aussi, sans doute parce que Dieu l’a voulu, car je vous aimais avant tout cela. »

À partir de ces deux lettres, ce n’était plus qu’une correspondance amoureuse où Henri et Caroline se racontaient leur cœur : naïves confidences de l’une, rêves emportés de l’autre, espérances sincères, désirs égarés, tout ce qui est l’entretien de l’amour, source inépuisable et abondante qui commence à s’arrêter du jour où on y trempe ses lèvres ! Parmi toutes ces pensées qui planaient au ciel, il s’en glissait quelques-unes cependant qui étaient de la terre. D’abord Henri enseignait à Caroline quels étaient ses droits. Ensuite venaient toutes les mesures à prendre pour un enlèvement et une fuite. À ce propos il y avait une lettre véritablement admirable de Henri où il avouait sa pauvreté à Caroline, et une réponse de Caroline qui fit venir les larmes aux yeux à Luizzi. Elle demandait si naïvement pardon à Henri d’être plus riche que lui, que le baron fut sur le point de croire à la vérité des sentiments vaudevilliques