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j’ai donc un droit sur vous… J’ai le droit de vous protéger, de vous sauver peut-être… Ma vie a un but, je suis heureux, je suis fier… Comptez sur moi.

« HENRI. »

— Hum ! hum ! fit Luizzi en lui-même après la lecture de cette lettre, voici un gaillard qui va vite, et je tremble de lire la réponse de ma pauvre sœur ; elle doit avoir un de ces cœurs de religieuse qui, à force de s’imprégner de l’amour de Dieu, prennent feu à la première étincelle d’amour humain qui tombe sur eux.

Tout en faisant ces réflexions, Luizzi parcourut le post-scriptum de la lettre de Henri ; il était assez insignifiant. « Vous trouverez sous ce couvert, disait-il, une lettre de madame Gelis pour sa fille. Je vous l’envoie pour qu’elle ne passe pas à l’examen de la supérieure. » Luizzi passa et lut la réponse de Caroline.

DE CAROLINE À HENRI.

« Si je vous écris encore. Monsieur, si je fais une nouvelle faute, c’est pour réparer celle que j’ai commise en vous répondant. Je suis libre, Monsieur, et c’est librement que je prendrai le voile ; dispensez-vous donc de toute démarche qui pourrait faire croire que je ne me trouve pas heureuse du sort qui m’attend. Je n’en ai jamais espéré d’autre, et je n’en veux pas d’autre.

« SŒUR ANGÉLIQUE. »

« P.-S. Vous trouverez ci-joint la réponse de Juliette à sa mère. »

— Voilà qui est parfaitement explicite, pensa Luizzi ; je serais curieux de voir ce que M. Henri a trouvé à répondre à un congé si formel.

DE HENRI À CAROLINE.

« Mademoiselle,

« Lisez cette lettre, ce n’est plus celle de l’insensé qu’un moment le joie et d’espérance a égaré encore plus que son désespoir ; c’est celle d’un homme d’honneur qui vous demande le droit de se justifier. Daignez m’écouter. Je connais aussi bien que vous-même votre vie et votre position ; je sais que vous êtes sans famille et sans amis, et que vous n’avez à attendre de personne ni conseil ni protection. Si dans de telles circonstances vous aviez quitté le monde à un âge où on a pu l’apprécier, j’aurais dû croire que vous cherchiez au couvent un refuge contre un isolement que vous n’auriez pas voulu faire cesser. Mais, placée dès votre enfance sous la direction de personnes qui ont un intérêt direct à vous