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elles vous diront ce qui me força à répondre à Henri, et comment mes propres lettres me sont revenues dans les mains. Je les ai gardées, non comme une espérance, mais comme un remords ; car elles me disent chaque jour jusqu’à quel point je fus coupable et malheureuse.

Luizzi prit les lettres, et il s’apprêtait à les lire, lorsque Caroline l’arrêta en lui disant :

— Dans un instant, quand je ne serai plus là. Je vais aller auprès du lit du blessé, je vais m’agenouiller pour prier Dieu, afin qu’il me pardonne l’amour qui a brûlé dans mon cœur, et qui, je viens de l’éprouver tout à l’heure, n’y est pas encore éteint.

Voici ce que lut Armand : XII

CORRESPONDANCE : DE HENRI DONEZAU À CAROLINE.

« Pardonnez-moi d’oser vous écrire, moi qui n’ai pas osé vous parler. Hélas ! lorsque j’étais devant vous, je me sentais si interdit, si tremblant, que jamais je n’ai pu trouver la force de vous adresser une parole que votre sévérité eût repoussée. En ce moment même, lorsque je me figure que cette lettre sera dans vos mains, que vous la rejetterez peut-être avec dédain ou que vous la lirez avec indignation, j’hésite, car je sens que je ne pourrais supporter ces témoignages de votre mépris ou de votre colère ; je m’arrête, je tremble encore. Cependant je n’ai pas, d’un autre côté, le courage d’accepter le désespoir de toute ma vie sans avoir tenté de m’y soustraire. Je vous aime, Caroline. Ce mot que je ne devrais pas vous écrire et qui doit vous irriter, ce mot m’échappe comme le cri d’une douleur dont je ne suis plus le maître et que vous ne pouvez concevoir. Plus hardi près de votre amie, j’ai osé lui parler d’un amour qui vous semble peut-être une offense. Hélas ! en voulant m’ôter l’espérance, elle n’a fait qu’accroître la passion qui m’égare ; elle m’a dit combien vous étiez isolée en ce monde, elle m’a dit avec quel courage saint et quelle noble résignation vous supportiez cet abandon ; elle m’a appris ce qu’il y avait de généreuse bonté en vous ; et moi, qui vous aimais déjà pour tout ce que vous avez de beauté céleste et de grâce parfaite, je vous ai aimée pour tout ce que la vertu a de plus noble et de plus pur. Alors, n’espérant rien en moi, j’ai espéré en vous. La sainte pitié qui vous a fait venir au secours de madame Gelis se tournera