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— Demande-le à la justice.

— Comment peut-elle le savoir ? repartit Luizzi.

— En s’adressant à celui qui sait tout.

— À toi, Satan, n’est-ce pas ? Eh bien ! dis-moi la vérité.

— Bon ! fit le Diable en sifflotant, tu dirais que je calomnie la société. Mais n’as-tu rien deviné dans cette histoire ?

— J’ai deviné que probablement j’ai dormi les vingt mois que je t’ai livrés.

— Il y a des jours où tu es intelligent.

— Et, pendant ce temps, il s’est fait une révolution ?

— C’est-à-dire une drôle de comédie.

— Je pense que tu me la raconteras, car je ne puis rentrer dans le monde sans connaître les détails d’un événement si important.

— Tu m’en demandes beaucoup : des parvenus plus impertinents que ceux qu’ils ont remplacés, des servilités plus basses que celles qu’on se faisait honneur de mépriser, des oppositions désordonnées de la part des hommes qui avaient condamné toute opposition, les mêmes fautes, les mêmes crimes, les mêmes sottises, avec une autre livrée ! voilà tout.

— Je veux les savoir.

— Eh bien ! peut-être te les dirai-je, si la tâche qui te reste à remplir te laisse le temps de m’entendre.

— Quelle est donc cette tâche ?

— Henriette Buré est ici, et sa sœur, cette jeune fille que tu as vue chez madame Dilois, se meurt dans la misère.

— Il faut les sauver.

— Soit. Sortons d’abord d’ici. Suis-moi…

Et le Diable marcha devant. X

LA SŒUR DE CHARITÉ.

UNE SCÈNE DE CHOUANS.

Il s’agissait de s’enfuir de cette maison de fous, et Luizzi suivit le Diable. Tant qu’ils marchèrent dans cette immense demeure, tout alla le mieux du monde : les portes et les murs s’ouvraient devant Satan pour lui faire un passage facile, et Luizzi se glissait prestement après lui. Mais, dès qu’ils furent en rase campagne, le baron eut grand’peine à suivre son guide infernal. La nuit était tout à fait noire ; un vent violent chassait sur le visage d’Armand une pluie glacée et continue. La terre du chemin, détrempée par cette pluie, s’attachait aux souliers du baron et le faisait marcher sur des espèces de patins de boue, jusqu’au moment où la boue emportait à son tour les souliers et laissait notre ami un pied en