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vrit point les assassins, et la famille de madame Buré a grandi sous ses yeux sans que rien n’ait jamais troublé les saintes affections qui unissaient la sœur au frère, la femme au mari, la mère à ses enfants.

Le Diable s’arrêta et dit au baron de Luizzi :

— Et maintenant, qu’en pensez-vous ?

Luizzi se tut, et, après avoir longtemps réfléchi, il répondit :

— Cette femme a sauvé le repos et l’honneur de sa famille.

— Au prix d’un adultère et d’un meurtre ! Est-ce une honnête femme ?

— C’est une femme malheureuse.

— Tu trouves ? elle est pourtant bien calme et bien belle !

— La marquise et madame Dilois auraient-elles de plus terribles secrets dans leur existence ?

— Je te le dirai dans huit jours.

Le Diable disparut, et laissa Luizzi confondu d’étonnement et perdu dans ses doutes.


VI

VISION.


Luizzi, en quittant Toulouse, avait donné l’ordre qu’on lui envoyât à la campagne les lettres qui arriveraient en son absence : il supposait que par ce moyen il serait exactement informé de ce qui adviendrait de son indiscrétion, et il se tint prêt à repartir à tout événement, soit pour démentir, soit pour soutenir ce qu’il avait avancé. Car l’homme est ainsi fait… l’homme, du moins, a été fait ainsi par la société. Si madame Dilois était venue demander grâce à Armand. Armand se serait battu pour prouver que madame Dilois était une honnête femme ; si M. Charles avait exigé que M. le baron de Luizzi rétractât une parole calomnieuse, M. de Luizzi se serait battu pour prouver que madame Dilois avait un amant ; et si vous demandez aux hommes de cœur ce qu’ils disent de cette conduite, ils répondent qu’ils en feraient autant, ils appellent cela du courage et de la dignité.