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— Vous croyez réellement que je vous attendais ?

— Oui, vraiment, je croyais que vous m’attendiez.

— Quelle opinion avez-vous donc des femmes ?

— Ma foi, Madame, une meilleure qu’elles ne méritent, car je croyais que vous m’attendiez seule.

— Quoi ! vous supposez que Charles…

— Allons, allons, Madame : c’est assez d’une plaisanterie, comme vous dites ; être dupe deux fois dans une nuit, c’est trop.

— Oh ! ne parlez pas ainsi, Monsieur, et pardonnez-moi. J’ai été trop loin dans une folie de paroles à laquelle je croyais que vous n’attachiez pas la moindre importance.

Elle s’arrêta, et, haussant les épaules avec une tristesse impatiente, elle ajouta :

— Quoi ! Monsieur, un homme que je ne connaissais pas, que je rencontrais pour la première fois ! et vous avez pu penser… Non, non, c’est impossible…

— C’est tellement possible que je le pense encore.

— Et que vous le direz peut-être, n’est-ce pas ? comme vous en avez menacé Charles ?

— Empêchez ce monsieur de m’y forcer, car assurément je ne me battrai pas avec lui sans en dire la raison à qui voudra l’entendre.

— Et si j’ai assez de pouvoir sur lui pour l’arrêter, que ferez-vous ?

— Oh ! Madame, ceci est une autre affaire ; je ne comprends la discrétion que pour les secrets, et je ne sache pas qu’il y en ait encore entre nous.

— Et il n’y en aura pas, je vous le jure.

— Comme il vous plaira, Madame ; gardons chacun notre liberté.

— Mais je suis mariée, Monsieur !

Luizzi était furieux, il répondit brutalement :

— Et vous avez des enfants, une très-jolie fille, entre autres.

— Ah ! je vous comprends, maintenant. Oui, vous me méprisiez assez, quand vous êtes venu ici, pour oser tout espérer.

— Il me semble que je n’avais pas besoin de cette présomption et que vous avez fait tout ce qu’il fallait pour me l’inspirer.

— Et voilà ce que je ne comprends plus. Vous êtes d’un