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— Taisez-vous, on peut nous entendre. Si quelqu’un entrait, de quoi aurions-nous l’air, si près l’un de l’autre ?

— Nous causons de notre marché.

— En effet, il est si avancé !

— Signez-le !

— Est-ce à une femme à commencer ?

Le baron prit une plume, signa, et, se retournant vers madame Dilois qui était toute triomphante, et dont les yeux baissés semblaient dire qu’elle n’osait voir ce qu’elle allait permettre, il prit ses mains et lui dit :

— Et maintenant, je compte sur votre probité.

Madame Dilois devint toute rouge, et d’une voix pleine de coquetterie elle répondit :

— Prenez, monsieur le baron.

Elle lui tendit sa joue brune et cerise.

Luizzi resta assez stupéfait ; mais il prit le baiser offert.

— Ce n’est guère, dit-il doucement.

— Vrai ? reprit madame Dilois d’un ton dégagé, comme quelqu’un qui vient de payer une grosse dette, il vous faudrait ?…

— Un peu de bonheur.

— Comment l’entendez-vous ?

— Quand un mari est absent… dit-il en regardant la chambre comme pour s’y installer de l’œil.

— Et quand une servante veille ?

— On l’envoie dormir.

— Sans qu’elle ait vu sortir personne ?

— Vous avez raison, mais il est possible de rentrer dans la maison d’où l’on est sorti.

— Vous êtes fertile en expédients.

— Sont-ils impossibles !

— Comment donc ! mais il y a une petite porte près de la grande.

— Et elle peut s’ouvrir pour laisser entrer ?

— Sans doute ; mais pour entrer il faut être dehors. Commençons par là.

— Nous finirons…

— Ah ! monsieur le baron, dit madame Dilois en jouant un sérieux embarras.

— Oui, oui, dit-il d’un air triomphant, chassez-moi bien vite.

Madame Dilois sourit en se mordant les lèvres. Elle ouvrit