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lettre lui fut renvoyée sans avoir été ouverte. Il savait cependant que la marquise n’était point malade. Elle avait été vue à l’église de Saint-Sernin entendant la messe tous les matins, comme c’était son habitude. Chaque soir elle était allée chez une vieille tante fort dévote, qui devait lui laisser toute sa fortune. Luizzi ne pouvait s’étonner assez ; il y avait en lui un respect de bonne compagnie qui l’empêchait de s’informer de cette femme et surtout de raconter ce qui lui était arrivé. Cependant il ne voulut pas être pris pour dupe, et il se résolut à revoir madame du Val, quelque moyen qu’il dût employer pour arriver à son but. Le hasard lui épargna la peine d’en chercher un : il apprit qu’une réunion très-nombreuse devait avoir lieu dans une maison dont son nom lui ouvrirait facilement l’accès, il sut que la marquise y était invitée et qu’elle avait promis d’y aller. Toutefois, au risque d’une inconvenance, Luizzi ne fit point demander une invitation, il se réserva de se faire présenter le soir même de la réunion, dans la crainte où il était que madame du Val ne tînt pas sa parole si elle était informée qu’elle l’y rencontrerait.

Une fois assuré d’avoir une explication avec elle, il pensa à ses affaires, et par conséquent à madame Dilois. Il examina le marché qu’elle lui avait remis, et ce marché lui parut convenable. Mais Luizzi avait des préventions contre cette femme, dont le ton de coquetterie lui avait inspiré d’abord la belle illusion qu’avaient détruite les demi-confidences de madame Barnet sur son origine et sa vie. Ces préventions donnaient au baron un médiocre désir de conclure avec madame Dilois ; il se présenta donc chez plusieurs autres négociants. Le prix qu’on lui offrit de ses laines était moindre que celui proposé par la maison Dilois. L’intérêt l’emporta sur les préventions, et il retourna chez la belle marchande.


IV

DEUXIÈME NUIT : LA NUIT DANS LA CHAMBRE À COUCHER.


Il y alla le soir, à l’heure où les magasins et les bureaux sont fermés, afin de pénétrer dans la vie de madame Dilois