Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

pareille faute a été commise par Henriette Buré.

— Oh ! ceci est bien différent : c’était une jeune fille bien élevée qui avait reçu une éducation honorable, et dont les nobles sentiments ont été surpris par un entraînement auquel la rigueur de sa famille l’a poussée.

— La faute n’en est que moins excusable ; car Henriette avait pour se défendre l’exemple des bonnes mœurs, l’autorité d’une saine éducation. Mais la pauvre fille du peuple, qui succombe, n’a pas autour d’elle les mille protections qui défendent une fille du monde.

— Tu vas encore plaider la cause du vice.

— Peut-être celle du malheur.

— En ce cas, fais-toi romancier et laisse-moi tranquille.

— Ainsi, dit le Diable, tu es bien décidé à ne pas épouser madame Peyrol ?

— Très-décidé.

— Que Dieu te garde ! dit le Diable.

Le bruit d’un courrier qui entrait avec fracas dans la cour interrompit la conversation de Satan et de Luizzi, et le Diable reprit aussitôt :

— C’est toi qu’on demande, baron, je te laisse à tes affaires.


XXXIV

RUINE.


À peine le Diable avait-il disparu que Luizzi vit entrer son valet de chambre Pierre, qu’il avait laissé à Paris.

— Quelles grandes nouvelles y a-t-il donc, lui dit-il, pour que tu sois venu ainsi à franc étrier ?

— Des lettres très-pressées venues de Toulouse, de Paris, de partout, des huissiers qui se sont présentés pour saisir dans votre appartement.

— Chez moi ? dit Luizzi.

— Chez vous, monsieur le baron.

À ces paroles, Luizzi devint pâle et glacé. L’idée d’une ruine ne lui paraissait pas possible, mais la menace insolente que lui avait faite le Diable, l’adieu moqueur qu’il lui avait lancé en disparaissant, l’épouvantèrent. Il fit signe à Pierre de le laisser seul et décacheta les lettres qu’il venait de recevoir. La première lui annonçait la disparition de son banquier. Le coup fut terrible, mais enfin Luizzi avait des propriétés qui lui laissaient encore une fortune considérable. Il ouvrit ses lettres de Toulouse ; elles lui apprenaient que tout