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— J’ai accepté une autre invitation, Madame, je vous suis fort obligé ; je reviendrai demander à M. Barnet les renseignements que j’attends de lui.

— Des renseignements, monsieur le baron ! Ce n’est pas la peine d’attendre mon mari : ah ! je connais la ville de Toulouse de la cave au grenier. Ma famille a toujours été dans les charges (le père de madame Barnet était huissier) ; j’en sais plus qu’on ne croit et plus qu’on ne voudrait assurément. Asseyez-vous, monsieur le baron. Quelques renseignements dont vous ayez besoin, je suis toute prête à vous les donner.

Luizzi ne pensa pas d’abord à profiter des offres empressées de madame Barnet ; mais il s’assit, espérant pouvoir se lever après quelques phrases insignifiantes. Il était cependant assez embarrassé des renseignements qu’il voulait demander, mais son hôtesse ne lui donna pas le temps de faire une maladresse.

— Peut-être monsieur le baron veut-il acheter une propriété ? S’il désire placer ses fonds dans une usine, mon mari pourra lui guetter la fonderie de MM. Jasques  : les propriétaires ont eu trente et un mille francs de remboursement fin novembre, et trente-trois mille sept cent vingt-deux fin décembre ; trois maisons, dont deux de Bayonne, avec lesquelles MM. Jasques font d’immenses affaires, ont manqué simultanément ; ils ne peuvent pas aller au delà de février, et, comme ce sont des gens d’honneur, je suis sûre que, s’ils trouvaient de l’argent comptant, ils céderaient leur usine à bon marché, à moins que la femme de M. Jasques le jeune ne veuille s’engager pour son mari : elle a cinq belles métairies au soleil, qui lui viennent de sa mère, vous savez ? la femme Manette, pour qui le comte de Fère s’était ruiné ; c’est du bien qui ne lui a pas coûté cher, ni à sa fille non plus, mais enfin elle l’a. Mais madame Jasques a le caractère de sa mère, elle économiserait une omelette sur un œuf, et certes elle ne laissera pas prendre pour un sou d’hypothèques sur son bien.

Quand madame Barnet commença à parler, Luizzi ne l’écouta point pour l’entendre ; mais tout à coup le désir de l’interroger véritablement lui vint à l’esprit. Ce fut quand elle passa de M. Jasques à sa femme ; il supposa alors qu’elle pourrait lui dire des choses qu’il n’eût osé demander directement à personne, et sur la trace desquelles il n’avait qu’à