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ciation de ses noms, prénoms et qualités. Le comte commença.

— Alfred Henri, comte de Lémée, pair de France.

— Louis-Jérôme Marcoine, maître clerc de notaire.

— Désiré-Anténor Furnichon, commis d’agent de change.

— Et François-Paulin Bador, avoué à Caen, il a été convenu, etc., etc., etc.

Et durant dix minutes l’avoué dicta, chacun répétant la fin de la phrase pour avertir qu’il avait écrit.

C’était un spectacle honteux devant lequel Luizzi restait en contemplation, ne sachant s’il devait rire ou s’indigner, lorsqu’il se sentit légèrement frappé sur l’épaule et reconnut le vieux Rigot, qui lui dit :

— Que font-ils donc là ?

Luizzi ne voulut pas dire la vérité, soit qu’il ne vît aucun intérêt à dénoncer ces quatre requins de dot, soit qu’il voulût se ménager le plaisir de cette comédie jusqu’au bout, et il répondit :

— Je crois qu’ils écrivent chacun un billet doux à l’une de ces dames.

— Très-bien, très-bien ! fit le père Rigot, j’ai seulement une petite confidence à faire à ces Messieurs.

— C’est qu’il est vraiment fâcheux, dit Luizzi, de les déranger ; l’inspiration amoureuse est si prompte à s’envoler !

— Cependant, reprit Rigot, je ne peux pas leur laisser ignorer le fait.

— Qu’est-ce donc de si important ?

— Cela vous intéresse fort peu, dit Rigot, puisque vous n’êtes pas parmi les concurrents. Quoique je n’aie rien dit de votre refus, songez-y, je vous laisse vingt-quatre heures pour réfléchir.

— C’est tout décidé.

— Bon ! c’est ce que nous verrons, fit le bon homme en hochant la tête. En attendant, je vais leur annoncer la nouvelle.

— Faites, repartit le baron ; je me retire.

— Vous pouvez rester, cela vous amusera peut-être.

En disant ces mots, Rigot entra tout à fait dans la salle à manger à la porte de laquelle il était resté avec Luizzi. Les quatre amoureux venaient de signer et d’échanger leur transaction, et ils se retournèrent fort troublés en entendant la voix du maître de la maison.

— Pardon, Messieurs ! leur dit M. Rigot, je ne vous ai pas fait part de tous mes projets, parce que j’ai pensé que cela ne pouvait pas vous regarder ; cependant ma sœur vient de me faire comprendre qu’elle ne devait pas être moins favorisée que sa fille et sa petite-fille, et je viens vous dire ce que je compte faire pour elle.

— Quoi ? s’écrièrent ensemble