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Marcoine retourna le papier et lut : « Entre les soussignés M. Marcoine et M. Furnichon, etc., etc., il a été convenu qu’en cas de mariage, etc., etc. »

— Allez donc ! dit Luizzi.

Le clerc marmotta encore quelques phrases tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; puis, arrivé à un certain endroit, du côté de l’écriture à l’encre, il s’écria en lisant : « Celui qui aura touché la dot ci-dessus énoncée s’engage à donner cinq cent mille francs à… » Il retourna le papier et lut, du côté de l’écriture au crayon : « S’engage à donner cinq cent mille francs à… »

— Hein ! fit le commis toujours ébahi.

— Ma foi ! on ne fait pas mieux un acte à Paris, dit le clerc.

— Mais il paraît qu’on le fait aussi bien qu’en province, repartit l’avoué en prenant le papier. Puis il s’écria, après avoir lu : C’est mot pour mot la même chose.

— En effet, dit le pair, il semble que c’est copié.

— C’est calqué, reprit le commis.

— Il y a un proverbe qui dit que les beaux esprits se rencontrent, repartit Luizzi.

— Eh bien ! soit, dit l’avoué ; ligue contre ligue, deux contre deux.

— Et pourquoi la guerre et non pas l’alliance ? reprit le clerc rapidement, pourquoi ne pas faire l’acte en quatre expéditions ? car enfin vous pouvez ne pas être choisis tous les deux, ni nous non plus, et alors vous n’auriez rien. On peut choisir l’avoué et moi, ou bien le comte et moi, ou bien le commis et le comte, ou bien encore le commis et l’avoué : voilà quatre combinaisons où nous sommes tous pris au dépourvu.

— Il a raison, dit l’avoué, ceci est très-fort. Faisons l’acte à quatre : celui qui aura la dot et la femme payera cinq cent mille francs à celui qui n’aura que la femme, quel qu’il soit.

— Et celui qui n’aura rien ?

— Eh bien ! répondit le clerc, il n’aura rien.

— Ah si ! ah si ! fit le commis, il faut au moins faire ses frais. Je propose dix mille francs d’épingles pour les deux évincés.

— Va comme il est dit, reprit l’avoué, et dépêchons. Mais comme on peut nous surprendre, faisons chacun notre copie, ça ira plus vite. Voici du papier timbré, des plumes et de l’encre.

L’avoué tira un portefeuille armé de tous ses ustensiles ; chacun s’assit devant la table, et, l’avoué dictant, tous les quatre se mirent à écrire.

— Entre les soussignés Messieurs…

Et chacun répondit au regard de l’avoué par l’énon-