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tomber un papier que Luizzi ramassa. Il allait appeler l’avoué pour le lui remettre, lorsqu’il vit le clerc faire un petit signe au commis qui revint sur ses pas. Luizzi s’arrêta pour les écouter.

— Ah çà, voyons, dit Marcoine, parlons peu et parlons bien. Nous faisons ici un métier de dupe. Vous n’avez pas remarqué, vous, comme l’avoué et le pair de France s’entendent ?

— Je ne vois pas trop en quoi ils pourraient s’entendre, reprit Furnichon. Madame ou mademoiselle Peyrol aura la dot, tant mieux pour celui qui choisira bien !

— Et tant pis pour celui qui choisira mal, n’est-ce pas ?

— C’est tout simple.

— C’est vous qui êtes simple, mon cher, reprit le clerc en ricanant.

— Plaît-il ? reprit le commis.

— Oui, et nous serions deux imbéciles si nous ne connaissions pas un peu mieux les affaires. Liguons-nous, et nous aurons les deux millions.

— Comment ça ?

— Écoutez-moi bien, voici la manière de procéder. Je suppose que la fille me choisisse et qu’elle ait les deux millions, vous voilà avec la mère sur les bras et zéro.

— C’est vrai, et j’avoue que cela me fait peur. Et cela ne m’épouvante pas moins ; mais il y a un moyen de prévenir ce malheur, ou du moins de l’adoucir.

— Lequel ?

— Supposons encore que l’une des deux futures ait quinze cent mille francs de dot, et l’autre cinq cents, cela ne vous encouragerait-il pas ?

— Tiens ! je le crois bien.

— Alors vous devez me comprendre ?

— Pas le moins du monde.

— Mon Dieu ! que vous êtes peu fort en affaires d’argent, pour un homme de bourse !

— Expliquez-vous plus clairement.

— Il faut absolument vous mettre les points sur les i. Eh bien ! fixons un dédit par lequel celui qui aura la femme aux deux millions s’engagera à donner cinq cent mille francs à celui qui aura la femme et zéro.

Furnichon resta ébahi et ne répondit pas d’abord. Enfin il dit :

— Lâcher cinq cent mille francs comme cela, c’est cher.

— Mais si vous n’avez rien.

— C’est possible, au fait.

— Eh bien ! consentez-vous ?

— Ça va.

— Mettez-vous là, je vais rédiger au crayon un petit bout d’acte ; nous en conviendrons, puis je monterai le copier au galop dans ma chambre ; je redescendrai, nous signerons et ce sera fini.

— Dépêchez-vous, les autres gagnent du terrain pendant ce temps-là.

— Avez-vous un peu de papier blanc ?

— Ma foi, non.

À ce moment Luizzi entra, et leur dit :